Révisions du droit du bail : pragmatisme et équilibre plutôt que polémique

6 mai 2024
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Lors de la session d’automne 2023, le Parlement a adopté des adaptations mineures du droit du bail. L’Association suisse des locataires (ASLOCA) a lancé un référendum contre ces mesures et déposé auprès de la Chancellerie fédérale les signatures nécessaires à cet effet. Détaillons ici le contenu et les enjeux des deux projets de loi en question.

Les deux adaptations du droit du bail – d’une part sur les besoins personnels du propriétaire et d’autre part sur la sous-location – ont des conséquences extrêmement modestes pour les locataires qui agissent correctement. La campagne du comité référendaire instrumentalise les deux référendums pour créer, de toute pièce, une tentative de menace politique à l’aide de slogans qui ne sont pas objectifs et qui passent à côté des véritables modifications de la loi.

En réalité, les deux projets ne portent ni sur l’« expulsion » des locataires, ni sur des augmentations de loyer et encore moins sur la limitation des possibilités de contestation des congés par les locataires. Il n’est donc pas question d’une attaque visant le droit de bail, comme le prétend l’ASLOCA.

Besoin personnel du propriétaire

Il convient de souligner que cette modification mineure ne concerne que deux cas de figure : celui du changement de propriétaire d’un bien loué que l’acquéreur souhaiterait occuper ou exploiter lui-même et le cas du propriétaire qui loue son bien, mais qui souhaite le récupérer pour son besoin propre, alors que la résiliation qu’il notifie tombe en cours de procédure l’opposant à son locataire ou dans les trois ans qui suivent une procédure dans le cadre de laquelle il n’a pas intégralement obtenu gain de cause.

S’agissant du changement de propriétaire d’un bien loué, le nouveau propriétaire donne un congé pour cause de besoin personnel. Le projet concerne donc le droit du nouveau propriétaire de résilier le bail au moyen d’un congé. Ce droit existe déjà aujourd’hui. La modification législative ne fait que préciser les conditions à remplir pour prouver l’existence d’un besoin personnel « urgent ». Il ne s’agit donc pas de résiliations en masse et encore moins d’« expulsions » injustifiées.

Bien au contraire : l’acheteur d’un appartement ou d’un local commercial se voit imposer les contrats de location existants. Pour atténuer cette importante contrainte, la loi donne toutefois au nouvel acquéreur d’un local commercial ou d’un appartement loué, s’il en a un besoin urgent pour lui personnellement ou pour des parents proches ou des alliés, un droit de résiliation extraordinaire. Avec la modification de la loi adoptée, le nouveau propriétaire doit pouvoir résilier le bail dans le délai légal pour la prochaine échéance légale, si le besoin personnel pour l’utilisation de son local commercial ou de son propre logement est « important » et « actuel » selon une évaluation objective.

Lorsque les petites et moyennes entreprises (PME) se développent en Suisse, elles ont souvent besoin de nouveaux locaux commerciaux plus grands. Sans la modification décidée, les PME risquent de rencontrer des difficultés, car elles ne pourront pas utiliser des locaux qu’elles ont acquis.

Dans d’autres cas, il arrive qu’un bailleur souhaite récupérer l’usage de son bien alors que le locataire a formulé une demande ou a saisi la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. Il n’est pas normal que cela le bloque totalement dans ses projets si ceux-ci sont avérés.

Comme le montrent les décisions du Tribunal fédéral, il peut aujourd’hui s’écouler des années avant qu’un propriétaire puisse enfin utiliser son propre local commercial ou son propre appartement, même en cas de besoin personnel urgent prouvé.

En contestant le congé devant plusieurs instances judiciaires, la décision peut être retardée pendant des années. La révision ne change rien à cela. Les droits de contestation des locataires restent inchangés mais l’objectivisation du besoin du bailleur est renforcée pour permettre une pesée des intérêts plus équitable.

Éviter les sous-locations abusives

Cette révision doit permettre d’empêcher plus efficacement les abus. Le droit de sous-location est maintenu. En revanche, son exercice est défini plus clairement. La sécurité juridique est ainsi renforcée, car des règles claires protègent aussi bien les locataires que les bailleurs contre les abus.

La modification de la loi adoptée doit garantir que le locataire n’abuse pas du droit de sous-location inscrit dans la loi. Aujourd’hui déjà, les locataires doivent obtenir l’accord du bailleur pour sous-louer leur logement. Or, il arrive très souvent qu’ils ne le fassent pas. Les bailleurs ne sont souvent pas informés des sous-locations ou les conditions de sous-location leur sont dissimulées.

Le bailleur ne découvre souvent une sous-location illégale que suite à des réclamations d’autres habitants de l’immeuble. Le fait que la demande de sous-location du locataire doive désormais être formulée par écrit et que le bailleur doive également donner son accord par écrit permet de fixer clairement les conditions. En cas de litige, celles-ci peuvent être prouvées de manière simple et fiable pour tous.

Cette adaptation est notamment nécessaire en raison de la généralisation de la sous-location sur les plateformes de location comme Airbnb. En particulier, des appartements anciens bon marché sont trop souvent sous-loués à des loyers nettement plus élevés que ceux payés par le locataire principal. Ces appartements étant, de fait, retirés du marché locatif, les locataires pâtissent également de cette situation.

La modification de la loi sur la sous-location n’entraîne aucun désavantage pour les locataires. La sous-location pendant une absence temporaire allant jusqu’à deux ans (par exemple en cas de séjour à l’étranger ou en raison de changements familiaux), le fait de sous-louer son logement à un tiers afin de ne pas devoir résilier le contrat de location reste possible. Les parties contractantes peuvent également convenir d’un commun accord de dispositions différentes, notamment pour la location régulière de courte durée ou pour des sous-locations de longue durée.

Pragmatisme et équilibre plutôt que polémique

La Chambre genevoise immobilière soutient les deux modifications législatives adoptées par l’Assemblée fédérale concernant la résiliation pour cause de besoin personnel du propriétaire et la sous-location. Ces adaptations judicieuses et équitables du droit du bail assurent une plus grande sécurité juridique et une plus grande transparence dans le droit du bail, ce dont profitent à la fois les locataires et les bailleurs.

Naissance de l’Alliance suisse pour le logement

Comme mentionné, l’ASLOCA, une fois de plus surréagit en tentant d’effrayer un maximum les locataires. Par ce biais, elle obtient aussi une visibilité médiatique disproportionnée en raison de la facilité exploitée par nos médias de ne plus respecter la diversité des points de vue, respectivement de vérifier les allégations des uns et des autres.

Cela fait des années que les associations suisses de propriétaires collaborent de manière fructueuse. Dans cet esprit, pas moins de dix organisations faîtières et associations se sont constituées en « Alliance suisse pour le logement » afin de critiquer la position de l’ASLOCA qui souhaite aussi introduire au sein du droit du bail de nouvelles réglementations en défaveur des bailleurs. La cohésion et le regroupement des forces des représentants des bailleurs sont parfaitement bienvenus pour défendre nos intérêts de manière toujours plus efficace.

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