Rendement sur les fonds investis dans les travaux à plus-value
Une nouvelle jurisprudence clarifie enfin la question des hausses de loyer dans le cadre de travaux à plus-value. Favorable aux bailleurs, elle consacre la volonté du législateur d’encourager les rénovations.
Une évolution positive de la jurisprudence en faveur des bailleurs
Le rendement des fonds propres, en particulier dans le cadre d’un calcul de rendement net, c’est-à-dire le calcul à effectuer pour vérifier que le loyer ne procure pas au bailleur un rendement excessif de la chose louée, est un vaste sujet. Ce rendement varie en fonction de la variation du taux hypothécaire de référence. Or, les bases de calcul qu’on connaissait au moment de la mise en place de ce système se fondaient sur un taux hypothécaire de référence bien plus élevé que ce qu’il est depuis quelques années. Le rendement que pouvaient percevoir les bailleurs sur les fonds propres investis était, en cas de contestation du loyer, réduit à presque rien. Une jurisprudence du 26 octobre 2020 a toutefois fait considérablement évoluer les choses en faveur des bailleurs puisque, depuis cette jurisprudence, tant que le taux hypothécaire de référence reste inférieur ou égal à 2%, le rendement sur les fonds propres peut être de 1,5% plus élevé qu’auparavant (2% au-dessus du taux hypothécaire de référence contre 0,5% précédemment).
Cette jurisprudence de 2020 a fait passablement évoluer les choses mais a posé un certain nombre de questions. En particulier, celle de savoir si l’augmentation du rendement peut être transposée à d’autres calculs, et notamment à celui qui s’applique en cas de hausse de loyer suite à l’exécution de travaux à plus-value. Ce calcul, connu sous le nom de « Méthode Fracheboud » se fait en trois temps.
Le premier est le calcul de l’intérêt du capital, qui permet de déterminer le rendement sur les fonds investis dans les travaux à plus-value jusque-là à hauteur du taux hypothécaire de référence en vigueur majoré de 0,5%, le total étant ensuite divisé par deux. La seconde étape est la division du montant investi par le nombre d’années d’amortissement des installations en question (aux alentours de 20 à 25 la plupart du temps pour des travaux d’une certaine ampleur) et la troisième, visant à tenir compte des coûts d’entretien de l’installation, représente le calcul du dix pourcents des deux précédents résultats additionnés.
La jurisprudence récemment rendue permet d’admettre que, dans ce calcul aussi, le rendement des fonds investis est de 2% au-dessus du taux hypothécaire de référence (à la condition qu’il reste égal ou en dessous de 2%). C’est donc une excellente nouvelle pour les bailleurs qui vont davantage pouvoir répercuter sur les locataires les coûts des travaux à plus-value – souvent conséquents, surtout à l’heure des rénovations énergétiques. Ce qui est aussi à saluer est que la justification de cette décision réside notamment dans la volonté de favoriser les améliorations et les rénovations des biens immobiliers, le Tribunal fédéral reconnaissant que les articles 269a, al.1, let. d CO et 14 OBLF ont été introduits pour cette raison-là et donc que l’augmentation du rendement évoquée est conforme à la volonté du législateur.
Dans l’affaire en question, le contrat de bail était un contrat de bail indexé (c’est-à-dire qui peut évoluer en cours de bail selon l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation) – qui prévoyait aussi la possibilité pour le bailleur d’augmenter le loyer en cours de bail au motif de prestations supplémentaires – et qui se renouvelait de cinq ans en cinq ans. Une fois les travaux terminés, le bailleur a notifié une hausse de loyer à ses locataires (qui bénéficiaient d’un loyer extraordinairement bas), lesquels ont contesté cette hausse et lui ont opposé une demande de baisse de loyer suite à la baisse du taux hypothécaire de référence intervenue entre la dernière adaptation du loyer en 2012 et le moment de la hausse.
Le Tribunal fédéral s’est aussi prononcé sur cette demande de baisse de loyer, indiquant que la possibilité pour les locataires de solliciter une baisse n’existait pas en cours de bail. En effet, en choisissant d’opter pour un loyer indexé, les parties avaient volontairement réduit les adaptations possibles du loyer en cours de bail à l’évolution de l’indice des prix à la consommation et à la prise en considération des prestations supplémentaires du bailleur, renonçant ainsi à invoquer, en cours de bail, les autres motifs d’adaptation du loyer (comme l’évolution du taux hypothécaire de référence, notamment).
Les locataires pourront toutefois toujours le faire valoir, mais de manière différée, pour la prochaine échéance contractuelle. Le bailleur a donc, dans ce dossier, obtenu totalement gain de cause.
Sur la base de cette jurisprudence, la CGI a interpellé le service LDTR afin qu’il soit aussi tenu compte, dans le cadre des augmentations de loyer suite à des travaux à plus-value soumis à la LDTR, du rendement de 2% au-dessus du taux hypothécaire. Cela avait déjà été réclamé en 2021, mais cette nouvelle jurisprudence renforce encore la position des bailleurs dans ce cadre-là.
La question qui demeure ouverte et pour laquelle on attend toujours une décision du Tribunal fédéral pour y répondre est celle du calcul de rendement brut. En effet, ce calcul permet aussi de déterminer si le rendement perçu par le bailleur sur son bien est abusif, mais par un calcul différent, en principe plus simple, mais qui n’est envisageable que si la construction du bien est récente (c’est-à-dire remonte en principe à dix ans maximum).
Nous vous tiendrons évidemment informés des avancées futures sur ces sujets.