Jurisprudences récentes – Novembre 2024

31 octobre 2024
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Me Nimah Ali Abukar revient dans ce numéro sur les dernières jurisprudences.

Dans l’arrêt de la Chambre des baux et loyers genevoise du 24 juillet 2024, un contrat de bail est conclu en mai 2016 entre un locataire et une bailleresse, portant sur un local commercial à destination d’un cabinet médical au 1er étage d’un immeuble à Genève.

En décembre 2020, le locataire a signalé un bruit insupportable provenant de la chaufferie et de la colonne d’eau, rendant impossible la réalisation d’examens d’audition ou de neurologie en raison de l’absence de silence.

En janvier 2021, la régie a mandaté une société pour vérifier les radiateurs, qui a identifié un bruit de ventilation et a recommandé une intervention spécialisée par une autre société spécialisée. Cette dernière n’a constaté aucun dysfonctionnement du système de ventilation et le locataire se plaignait toujours du bruit. En février 2021, une troisième société a été mandatée, sans pouvoir déterminer l’origine du bruit.

En avril 2021, le locataire a informé la régie de la persistance des nuisances sonores, signalées par plusieurs personnes, rendant difficile sa pratique professionnelle dans tout le cabinet. Il mentionnait que les examens médicaux n’étaient plus réalisables dans de bonnes conditions et qu’il devenait irritable en fin de journée. La régie a été mise en demeure de résoudre le problème avant le 30 avril 2021, faute de quoi le loyer serait consigné.

Une quatrième société a été mandatée pour isoler les tuyaux et atténuer les vibrations. Le technicien a rapporté que l’origine du bruit restait inconnue, mais le local de ventilation au sous-sol était très bruyant, sans problème avec le chauffage. En mai 2021, le locataire a commencé à consigner son loyer.

En juin 2021, la régie a informé le locataire de la clôture du dossier, les interventions sur le bruit faiblement perceptible étant terminées et sans anomalie sur les conduites de chauffage. Le locataire a insisté sur l’absence de mesures acoustiques et d’explications techniques. La régie a donc mandaté une cinquième société pour une expertise phonique afin d’explorer d’autres solutions. La société précitée a remis son rapport en septembre 2021, dans lequel il était indiqué que le niveau sonore mesuré, soit 27 dB, respectait les normes en vigueur.

En novembre 2021, le locataire a signalé à la régie une aggravation du bruit, atteignant 65 à 70 dB dans les angles et 60 dB au centre de la salle de consultation. Le responsable technique de la régie a confirmé qu’aucun bruit excessif ni sifflement n’avait été constaté lors d’une visite.

L’affaire a été portée au Tribunal des baux et loyers en octobre 2021. Le locataire a conclu à la validation de la consignation du loyer, que la bailleresse effectue à ses frais les travaux nécessaires pour supprimer le défaut, qu’il puisse consigner le loyer jusqu’à résolution du problème et qu’une réduction de loyer de 50% lui soit accordée dès le 1er janvier 2021 jusqu’à suppression du défaut.

Dans sa réponse, la bailleresse a fait valoir que le bruit résiduel relevé respectait les normes SIA, qu’il était de faible intensité, ne portait aucune atteinte à l’usage des locaux et n’était pas un défaut.

Le Tribunal a entendu plusieurs témoins au sujet des bruits dans les locaux du locataire. La secrétaire a signalé un sifflement continu, inaudible avec la fenêtre ouverte ou en présence de patients, sans plaintes reçues. Deux patients ont mentionné un bruit de ventilation, sans être perturbés.

Le gérant technique a décrit un bruit faible, non identifié. Un technicien en acoustique a mesuré 27 dB, estimant cette conforme aux normes, tandis qu’un acousticien a relevé 30 dB et recommandé des vérifications supplémentaires. Les techniciens de ventilation et chauffage n’ont relevé aucune anomalie, évoquant une possible ventilation interne.

Par jugement du 8 juin 2023, le Tribunal a débouté le locataire de toutes ses conclusions et a ordonné la libération de l’intégralité des loyers consignés en faveur de la bailleresse. Le locataire a formé appel contre ce jugement en sollicitant son annulation et en persistant dans ses conclusions prises en première instance.

La Chambre des baux et loyers a rappelé sa jurisprudence concernant les défauts de la chose louée. Elle a précisé qu’un locataire ne peut s’attendre à un silence absolu, et que des bruits extérieurs sont inévitables. Un bruit n’est considéré comme un défaut que s’il dépasse un certain seuil tolérable en termes de durée, d’intensité ou de moment, perturbant l’usage normal du bien loué, ce seuil variant selon le type de bâtiment, son état, les activités pratiquées et les comportements des occupants.

En l’espèce, la Chambre des baux et loyers a suivi le raisonnement du Tribunal, concluant que le bruit en question ne constituait pas un défaut, même s’il était présent. Par ailleurs, une patiente entendue dans le cadre de la procédure et sensible au bruit ne l’avait pas jugé dérangeant. La juridiction précitée a établi que l’absence de silence absolu ne constituait pas un défaut et que le bruit en cause, masqué par le bruit ambiant habituel lié à une utilisation usuelle des locaux, ne l’est pas non plus. Le locataire n’ayant pas prouvé le caractère défectueux des locaux, le jugement a été confirmé.

Cet arrêt est intéressant pour les propriétaires, car il précise les conditions dans lesquelles des nuisances sonores ne sont pas considérées comme des défauts du bien loué, en établissant des limites objectives que les locataires doivent accepter en fonction de la nature du bâtiment et de son usage normal.

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