On parle souvent de Genève comme d’un canton à part. Difficile de le démentir lorsqu’il est question de logement. Alors que, dans la majorité des cantons, les logements vides sont maintenant légions, Genève connait depuis des années une pénurie de logements. Le taux de propriétaires y est également bien plus faible qu’ailleurs : 18% contre 33% en moyenne en Suisse.

Il faut aussi noter que le Canton s’est doté depuis 30 ans d’un arsenal législatif ayant eu l’effet pervers de gripper les rouages du logement et de le transformer en un secteur ultra normé.

Au fil des années, le logement est devenu à Genève un véritable millefeuille administratif issu de tensions politiques extrêmes.

La LDTR, une particularité genevoise

La Loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR) est le fruit d’une initiative populaire portée par les milieux de gauche et lancée en 1977. Elle sera acceptée par le peuple en 1983. Elle pose en principe que tout immeuble de logement est maintenu « dans sa substance et son affectation ».

Elle impose un grand nombre de restrictions et de contraintes pour tout projet de travaux portant sur un immeuble d’habitation, notamment un contrôle systématique des loyers suite à des travaux et une interdiction de démolir un immeuble.

Ces deux mesures ont eu pour effet de plonger une grande partie du parc immobilier genevois dans la naphtaline en compliquant grandement la rénovation des immeubles, créant ainsi de véritables passoires énergétiques.

Autre mesure de la LDTR : soumettre à autorisation et sous certaines conditions très restrictives la vente d’un appartement si le logement est loué. Une mesure qui restreint l’accès à la propriété alors que de très nombreuses familles genevoises de la classe moyenne souhaitent acquérir le logement qu’elles louent.

C’est sans relâche que notre association dénonce les dérives de cette législation (rénovations des immeubles freinées et impossibilité de devenir propriétaires) et qu’elle tente d’en obtenir des assouplissements. Dans ce contexte, nous avons été auditionnés le 16 décembre 2019 par la commission du logement du Grand Conseil au sujet d’un projet de loi important proposant de faire évoluer le plafonnement du loyer LDTR en cas de rénovations (PL 12353).

La CGI auditionnée pour un nouveau projet de loi

À cette occasion, nous avons pu réaffirmer qu’il est anormal que les investissements consentis pour rénover les immeubles et pour les isoler énergétiquement ne puissent pas être rentés d’une manière correcte.

Cela revient à dire qu’il n’est pas correct que le calcul de rendement des investissements consacrés à la rénovation et détaillé restrictivement au sein même de la LDTR soit finalement plafonné. Nous observons aussi que ce plafond est actuellement inférieur de 30% aux loyers admis par l’État dans les logements HBM et HM ou HLM ce qui tend à démontrer qu’au-delà du principe contesté du plafonnement, celui-ci est, de toute manière trop bas.

Adapter les modes de calcul

Nous avons dès lors revendiqué que l’indexation proposée dans la loi puisse être appliquée quant à l’évolution du revenu brut fiscal médian des contribuables personnes physiques.

La dernière indexation effectuée par le Conseil d’État, qui peut l’appliquer à sa discrétion tous les deux ans, date maintenant de 2011. Nous avons aussi proposé que le mode de calcul appréhende mieux l’occupation des logements de 4 pièces et permette de prendre en considération deux revenus, et non un seul comme c’est le cas aujourd’hui. Il s’agit également de relever le taux d’effort (la part du revenu à consacrer au logement) appliqué au calcul, qui n’est que de 18% aujourd’hui alors que les taux proposés par la loi sur le logement vont de 19% à 29% et qu’il n’est pas rare que le taux d’effort acceptable pour un locataire aille jusqu’à 33 %.

Favoriser les rénovations et inciter à réaliser des investissements énergétiques

Notre intervention s’est conclue en affirmant qu’il est de la responsabilité du Conseil d’État de faire évoluer le loyer plafond après travaux de la LDTR afin de tenter de combler le retard de rénovation du parc induit par cette législation et d’atteindre une certaine cohérence avec la volonté d’inciter les propriétaires à réaliser des investissements énergétiques. À nos yeux, c’est la seule façon de réconcilier les moyens aux objectifs liés à l’urgence climatique.

Encourager l’accession à la propriété

S’agissant de l’accession à la propriété, c’est une évidence que nous n’abandonnerons pas les familles genevoises qui souhaitent acheter leur appartement loué, librement, en se mettant d’accord avec leur propriétaire si celui-ci souhaite le leur vendre. Il s’agit de répondre au mandat constitutionnel fixé depuis 1972 au niveau fédéral et réaffirmé à l’article 180 de la nouvelle Constitution genevoise de 2013 de favoriser et de soutenir l’accession à la propriété individuelle. En cas d’accord trouvé avec le propriétaire, l’immense avantage est de pouvoir devenir propriétaire sans déménager, sans changer de voisinage, de quartier, d’école. Une fois propriétaire, l’on peut d’ailleurs, à Genève, transmettre son bien à ses enfants sans imposition sur les successions. Du côté du bailleur, il s’agit de pouvoir réaliser un capital.

L’avantage qui lui est ici conféré est de pouvoir ne vendre qu’une partie de son immeuble en conservant un ou plusieurs appartements, sans être obligé de vendre l’entier, en un seul bloc, comme l’y oblige la loi actuelle. Cette possibilité vise à introduire plus de mixité et plus de souplesse dans le parc locatif de sorte que tous aient une chance plus équitable de trouver une réponse à leurs aspirations résidentielles.

Nous avions échoué de très peu en juin 2016 en votation populaire, avec 48,18% d’acceptation, après qu’une loi équilibrée et progressiste ait été attaquée par référendum par l’ASLOCA qui, décidément, tient à ce que les Genevois restent locataires, essentiellement, à nos yeux, pour des raisons politiques.

C’était, à nouveau le spectre du congé vente pourtant désuet (la loi fédérale est sévère à ce sujet) qui a fait pencher la balance. Une explication suffisante à ce sujet doit permettre de revenir sur cette question d’importance. Nous nous devons de préparer ce changement avec soin.