Jurisprudences récentes – Janvier 2020
Me Géraldine Schmidt revient dans chaque numéro sur les dernières modifications législatives et jurisprudences récentes
1. LA MISE À DISPOSITION D’UN APPARTEMENT LOUÉ À SES ENFANTS EST-ELLE CONSTITUTIVE D’UNE VIOLATION D’OCCUPER PERSONNELLEMENT LE LOGEMENT ?
Dans un arrêt traité par le Tribunal fédéral (4A_39/2019) du 23 juillet 2019, un bail portant sur un appartement de 2,5 pièces est conclu. Ce contrat ne prévoit pas l’obligation pour le locataire d’occuper personnellement l’objet loué. Lorsque le locataire a rempli la demande de location, il a toutefois coché la case indiquant qu’il occuperait personnellement le logement.
Au mois d’octobre 2015, la régie a adressé un courrier au locataire en lui demandant des informations car il avait été constaté que deux personnes occupaient l’appartement. Le locataire a répondu en indiquant que c’était sa fille qui habitait le logement depuis longtemps, que la deuxième personne devait être l’ami de sa fille qui lui rendait ponctuellement visite et qu’il continuait à s’acquitter personnellement du loyer, sa fille étant en apprentissage. Suite à cela, la régie a reproché au locataire d’avoir effectué une substitution de locataire non autorisée.
La bailleresse a résilié le contrat pour violation du devoir de diligence par avis officiel de résiliation du bail du 15 septembre 2016 pour le 31 octobre 2016. Suite à une procédure en contestation de congé par le locataire, les instances cantonales ont considéré que le congé était inefficace. La bailleresse forme un recours au Tribunal fédéral.
Après avoir recherché si une sous-location ou un contrat de prêt étaient en cours et considéré que tel n’était pas le cas, le Tribunal fédéral a analysé la question de l’hébergement d’un enfant et a considéré ce qui suit : « (…) l’usage normal d’un logement implique le droit pour le locataire d’y héberger notamment son conjoint, son partenaire, son concubin, ses enfants ainsi que d’autres proches. Un tel hébergement n’est ni une sous-location, ni un prêt à usage. (…) L’hébergement d’un enfant par son père, même si celui-ci n’occupe pas lui-même le logement, relève du droit de la filiation. » (consid. 4.3). Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que l’obligation d’entretien des pères et mères comprenait les frais de nourriture et d’éducation mais également les frais d’hébergement.
Ainsi, compte tenu de ce qui précède, l’hébergement d’un enfant ne constituait ni une sous-location, ni un contrat de prêt. La mise à disposition d’un appartement dont le père est locataire entre dans l’usage normal de la chose louée. Il n’y a pas de contrat entre le père et l’enfant mais bien une obligation légale du père envers l’enfant.
Dès lors, dans le cas présent, le Tribunal fédéral a retenu que le locataire qui a laissé l’usage est un père, que le tiers bénéficiaire est sa fille, que le père continue à s’acquitter du loyer et qu’au jour de la résiliation, la fille était toujours en apprentissage. Compte tenu de ce qui précède et du fait que la question de l’hébergement d’un enfant a trait au droit de la filiation et non au droit du bail, aucune sous-location n’a été retenue. Le recours a été rejeté, le congé étant inefficace.
2. UNE MISE EN DEMEURE CONTENANT UNE SIGNATURE SCANNÉE EST-ELLE VALABLE ?
Dans un arrêt traité par le Tribunal fédéral (4A_311/2019) du 4 septembre 2019, un contrat de bail portant sur un appartement de 4 pièces est conclu entre une bailleresse et deux colocataires en février 2017. Un contrat de bail distinct est conclu entre les mêmes parties portant sur une place de stationnement.
Le 15 août 2018, bailleresse s’est aperçue que le loyer du mois courant n’était pas payé. Aussi, le même jour, elle a mis en demeure les locataires de s’acquitter du loyer du mois en cours dans un délai de trente jours dès réception du courrier, à défaut de quoi leurs baux seraient résiliés de manière anticipée pour défaut de paiement.
Aucune des sommations n’étaient revêtues d’une signature manuscrite ; les signatures étant scannées. Aucun paiement n’étant intervenu dans le délai comminatoire, la bailleresse a résilié les baux de manière anticipée. Les locaux n’ayant pas été restitués à la date prescrite, la bailleresse a initié une procédure en évacuation selon la procédure des cas clairs contre les locataires. Le juge de paix du Canton de Vaud a déclaré la requête en évacuation irrecevable au motif que la situation juridique n’était pas claire. Sur appel, le Tribunal cantonal vaudois a confirmé ce jugement.
Les juridictions cantonales ont considéré qu’en vertu de l’art. 14 al. 1 CO, la mise en demeure prévue pour pouvoir résilier un contrat de bail de manière anticipée devait contenir une signature « écrite à la main » par son auteur. Selon les mêmes juridictions, il n’était pas certain qu’une signature « scannée » équivaille à une signature « écrite à la main ». En considération de ces faits, la situation juridique n’était pas claire et la requête en évacuation a ainsi été déclarée irrecevable. La bailleresse fait un recours au Tribunal fédéral en argumentant qu’une signature scannée équivaut à une signature manuscrite.
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’avait jamais examiné de manière approfondie si une signature scannée remplissait les conditions de forme pour qu’un congé anticipé pour défaut de paiement puisse être admis et qu’il n’existait aucune controverse doctrinale à ce sujet. Les exigences de clarté du cas clair n’étaient ainsi pas réalisées dans le cas présent et le recours a été rejeté.
En résumé, lorsqu’une mise en demeure est adressée à un locataire, il convient de s’assurer que la signature qui y figure est manuscrite, sous peine de nullité du congé subséquent.