Jurisprudences récentes – Octobre 2022

18 octobre 2022
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Me Géraldine Schmidt revient dans ce numéro sur les dernières jurisprudences.

VALIDITÉ D’UN CONGÉ ORDINAIRE POUR BESOIN PROPRE ET URGENT

Dans l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 5 juillet dernier (arrêt du Tribunal fédéral 4A_609/2021), un contrat de bail est conclu pour des locaux affectés à l’usage d’un bar-restaurant. En mars 2017, la locataire a reçu une autorisation de construire portant sur la rénovation intérieure de la salle de restaurant, pour un montant estimé à CHF 700 000.-. Le 15 janvier 2019, la bailleresse a résilié le bail de manière anticipée pour le 30 septembre 2019 en invoquant son besoin propre et urgent, et subsidiairement pour l’échéance contractuelle suivante du 31 décembre 2020. Elle souhaitait récupérer les locaux pour affecter intégralement les surfaces de l’immeuble à son activité propre. Dans le cadre de la procédure, la bailleresse a finalement retiré le congé donné pour le 30 septembre 2019 à la suite de l’écoulement du temps et a conclu à ce que le second congé soit déclaré valable pour le 31 décembre 2021. Dans son jugement, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé pour le 31 décembre 2021 et a accordé à la locataire une unique prolongation de bail de quatre ans échéant le 31 décembre 2025. Sur appel, la Cour de justice genevoise a partiellement réformé cet arrêt, en ce sens qu’elle a accordé une première prolongation de bail de trois ans à la locataire, échéant le 31 décembre 2024, en lieu et place de l’unique prolongation de bail de quatre ans accordée par les premiers juges. Contre cet arrêt, la locataire forme recours par-devant le Tribunal fédéral en demandant principalement l’annulation du congé et subsidiairement qu’une prolongation de bail de six ans lui soit accordée.

Quant à la validité du congé, notre Haute Cour a considéré que le projet de la bailleresse était concret et qu’il remontait à 2018, soit à une date antérieure à la notification du congé. Il n’était pas pertinent que les demandes d’autorisation pour ledit projet n’aient pas encore été déposées. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que le motif invoqué était sérieux et qu’il ne constituait pas un prétexte, de sorte que l’arrêt de la cour de justice qui a validé le congé a été confirmé sur ce point, les autres griefs invoqués par la locataire n’ayant pas été retenus.

Sur la question de la prolongation de bail, le Tribunal fédéral a fait sienne l’argumentation retenue par la Cour de justice genevoise selon laquelle la bailleresse a établi vouloir utiliser les locaux pour ses propres besoins, qu’elle disposait donc d’un intérêt à les récupérer dès qu’elle serait en mesure de réaliser son projet. Cela étant, la bailleresse ne disposait d’aucune autorisation, qui n’avait au demeurant pas encore été sollicitée, ce qui tendait à démontrer que ce projet n’était pas prioritaire et qu’il n’était pas justifier de n’accorder aucune prolongation du bail à la locataire. La première prolongation de bail de trois ans était donc proportionnée. Le recours a par conséquent été rejeté.

Cet arrêt rappelle les principes applicables à une résiliation ordinaire du bail lorsque le bailleur invoque son besoin propre et rappelle que le dépôt d’une autorisation de construire n’est pas nécessaire au moment de la notification du congé.

 

IRRECEVABILITÉ D’UNE CONTESTATION DE RÉSILIATION DE BAIL POUR DÉFAUT DE LÉGITIMATION ACTIVE

Dans l’arrêt du 22 août 2022 (ACJC/1062/2022) rendu par la Cour de justice genevoise, un contrat de bail est conclu portant sur des locaux commerciaux à Genève. Par avenant au bail signé en 2018, une société anonyme et son administrateur unique, agissant conjointement et solidairement, sont devenus locataires du contrat de bail. Au mois de février 2020, le bail a été résilié par la bailleresse pour sa prochaine échéance. Les formules officielles ont été notifiées aux deux locataires à l’adresse de leur conseil. Seule la société anonyme a contesté le congé. Dans la procédure au fond, le conseil des locataires a ajouté le nom de l’administrateur de la société, qui n’avait pas contesté la résiliation. La bailleresse a donc conclu à l’irrecevabilité de la demande dès lors que tous les locataires n’avaient pas contesté la résiliation. Dans son jugement du 4 décembre 2021, le Tribunal des baux et loyers a débouté la SA de toutes ses conclusions en considérant notamment que tous les colocataires devaient nécessairement agir ensemble pour contester un congé. Il a également rappelé qu’un colocataire peut agir seul en contestation de congé s’il assigne son colocataire aux côtés du bailleur, ce qui n’était pas le cas ici.

Sur appel, la Cour de justice a considéré que la société anonyme a contesté en son seul nom la résiliation litigieuse, sans agir conjointement avec son colocataire, ni l’attraire à la procédure. C’est ainsi à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société locataire est privée de légitimation active dès lors que tous les locataires auraient dû conjointement contester la résiliation du bail. Les autres griefs invoqués par les locataires n’ayant pas été retenus, le jugement querellé a été confirmé par la Cour de Justice.

Cet arrêt permet de rappeler les conditions formelles pour qu’une contestation de congé soit valablement déposée devant la juridiction des baux et loyers ; nous recommandons aux propriétaires concernés de toujours vérifier ce point.

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