Prise de position sur le projet de modification de l’OBLF visant à limiter les hausses de loyer

30 août 2024
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Ces derniers mois, du fait de la remontée du taux hypothécaire de référence principalement, certains bailleurs ont été en mesure d’augmenter le loyer du bien qu’ils louent en cours de bail, ce qui n’était pas arrivé depuis très longtemps. Les milieux locataires, estimant déjà les loyers trop élevés, ont souhaité que des mesures soient prises pour limiter ces hausses. Dès lors que le droit du bail est fédéral, c’est au niveau fédéral que ces mesures doivent être prises. Un projet de modification de l’ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux (OBLF) a donc été mis sur pied, et la Chambre genevoise immobilière a été sollicitée pour se prononcer, dans le cadre d’une consultation, sur les mesures proposées par le Conseil fédéral.

De manière générale, la CGI s’est opposée à toutes les mesures proposées. Nous estimons en effet que la problématique principale à traiter est celle de la pénurie de logements et que ces mesures sont totalement inefficaces à cet égard. En outre, au vu de la complexité du droit du bail et de son formalisme, ajouter encore des difficultés est inopportun et d’ailleurs inutile. Enfin, une autre problématique est le fait que le mode actuel de fixation des loyers n’est plus adéquat. En effet, l’on ne peut pas augmenter les loyers très anciens qui le mériteraient mais on peut le faire plus aisément pour les plus récents. Les modifications envisagées n’amélioreraient absolument pas cela, voire même empireraient la situation.

De manière plus détaillée, notre position sur les différentes mesures est la suivante :

a. Rendre impossible l’utilisation de forfaits pour calculer l’augmentation des coûts

Lorsque les charges d’exploitation du bien loué augmentent, il est possible d’augmenter le loyer selon la même proportion. Or, il est parfois admis de tenir compte d’un forfait (en principe, un forfait retenait 0,5% d’augmentation de ces charges par an) pour éviter de devoir précisément prouver l’augmentation de ces frais. À Genève, il est très rare de tenir compte de ce forfait dès lors que la juridiction des baux et loyers, en cas de contestation de la hausse par le locataire, demande toujours des preuves précises de l’augmentation des charges. Nous nous opposons toutefois à cette mesure, car dans certains cas, notamment lorsque la preuve est impossible parce que le bail est ancien, il peut être utile d’avoir recours à des forfaits. Cela peut aussi simplifier et raccourcir les procédures, ce qui est à l’avantage de tous.

b. Limiter la prise en considération de l’évolution de l’indice suisse des prix à la consommation (ISPC) à 28%

Actuellement, 40% de l’évolution du coût de la vie peut être reporté sur les loyers (hors loyers indexés). Or, ce 40% conduit à des hausses potentielles qui sont limitées et qui sont assez régulières. Restreindre cette possibilité va encore accroître les différences entre les anciens loyers et les loyers plus récents puisque c’est l’une des seules manières de revoir les anciens loyers quelque peu à la hausse. Enfin, ce n’est pas ce critère qui conduit à des hausses massives dès lors que la hausse de l’ISPC, si elle a été un peu plus importante ces dernières années, demeure très raisonnable en Suisse. Le taux est resté stable durant de nombreuses années et a même parfois baissé.

c. Ajouter des informations quant à la possibilité, pour le locataire, d’invoquer un rendement excessif

ou les loyers usuels dans la localité ou le quartier pour s’opposer à une hausse, dans l’avis de majoration de loyer qui doit lui être remis
Le formulaire de majoration de loyer ou d’autres modi-fications du contrat de bail, qu’il est obligatoire d’utiliser pour notifier une hausse de loyer portant sur un loge-ment ou un local commercial, indique déjà au locataire qu’il a la possibilité de contester la hausse de son loyer. La modification vise donc à indiquer que cette contesta-tion pourrait se faire en invoquant un rendement excessif ou les loyers usuels du quartier ou de la localité. D’une part, ce n’est pas correct car ces arguments ne peuvent pas être avancés dans le cadre d’une contestation d’une indexation du loyer (pour un loyer indexé), alors que c’est le même formulaire de hausse de loyer qui doit être utilisé et aussi parce qu’il est en pratique impossible d’invo-quer les loyers usuels du quartier ou de la localité. Cela risquerait donc de surcharger les instances judiciaires de contestations de hausses de loyer vouées à l’échec et n’est donc aucunement une solution.

d. Introduire sur l’avis de fixation du loyer initial l’information quant à l’ISPC et au taux hypothécaire de référence applicables à l’ancien loyer

Lors de la conclusion d’un nouveau contrat de bail portant sur un logement, il est nécessaire de remplir et de transmettre au locataire un avis officiel de fixation du loyer initial. Ce document a pour but d’indiquer au locataire le montant du précédent loyer et le fait qu’il a le droit de contester le loyer initial. La loi prévoit déjà que ce document doit indiquer le montant du précédent loyer ainsi que la date depuis laquelle ce loyer est applicable, ce qui permet de déterminer l’ISPC et le taux hypothécaire de référence applicables à l’entrée en vigueur du précédent loyer, qui n’ont en plus pas d’utilité juridique, le loyer initial se déterminant différemment. Le fait de vouloir que le bailleur ajoute ces informations sur le bail va encore compliquer la situation de celui qui agit en personne sans passer par une régie et est absolument inutile. Le droit du bail est déjà très formaliste. Il ne devrait pas l’être encore davantage, qui plus est sans réelle utilité.

La prise de position que nous avons rédigée en ce sens a donc été transmise à Berne. Nous ne manquerons pas de vous tenir informés de la suite qui sera donnée à ce projet de modification de l’OBLF.

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Stéphane Penet
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