Se donner les moyens de ses ambitions

20 octobre 2020
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Le département du territoire a mis en consultation, cet été, un projet de révision du Plan directeur des énergies (PDE). La CGI a pris position sur les mesures annoncées et leurs conséquences sur les propriétaires et, plus généralement, sur l’immobilier genevois.

Le plan directeur des énergies en deux mots

Ce document élaboré par l’État est plus qu’un rapport d’intention en matière de consommation d’énergie. Il définit les orientations énergétiques à l’échelle cantonale, fixe les objectifs à atteindre, liste les actions et encadre leur mise en œuvre. Le PDE vise une consommation par habitant de 2000 watts d’ici 2050 (contre 3600 watts actuellement).

Accélérer les rénovations énergétiques des bâtiments

Pour y parvenir, l’Etat propose une série de mesures en mettant notamment l’accent sur les rénovations énergétiques. À Genève, la moitié de l’énergie consommée est utilisée pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire, dont 90% à partir d’énergies fossiles. Le taux de rénovation énergétique reste encore très faible (<1%/an), le parc immobilier peine encore à être rénové compte tenu des contraintes légales actuelles (LDTR). Le PDE fixe de nouveaux objectifs ambitieux en prévoyant de passer à un taux de rénovation de 2,5%/an d’ici 2030 pour atteindre 4% d’ici 2050.

Abaissement de l’indice de dépense de chaleur

Pour y parvenir, le plan d’actions prévoit entre autres choses un abaissement de l’indice de dépense de chaleur (IDC). Pour rappel, l’IDC est un indicateur de la consommation d’énergie d’un bâtiment pour couvrir ses besoins de chaleur (chauffage et eau chaude sanitaire).

La modification de la loi sur l’énergie du 5 août 2010 et l’article 15C ont imposé le calcul de l’IDC à tous les bâtiments chauffés. Pour les villas et petits immeubles de logements de moins de 5 unités, l’Etat avait décidé de lever, jusqu’à nouvel avis, l’exigence de calcul de l’IDC.

En fonction de la valeur moyenne de cet indice sur plusieurs années, le Canton peut obliger les propriétaires assujettis au régime de l’IDC à installer un dispositif individuel des frais de chauffage. Il peut également obliger des propriétaires à réaliser des audits énergétiques et des mesures d’économie dans les bâtiments dont l’IDC dépasse un certain seuil.

Le projet de PDE propose de refondre ce dispositif avec un nouveau seuil de consommation déclenchant pour engager la rénovation énergétique d’un bâtiment: aujourd’hui à 900MJ/m2 par an, il serait abaissé à 450MJ/m2 par an, pour atteindre graduellement 230MJ/m2 par an en 2050.

Faisabilité technique

Le principe de revoir ces seuils n’est pas remis en question par la CGI. Cependant, sur la base des données et mécanismes explicités dans le PDE, la faisabilité des objectifs n’est pas démontrée à ce jour. Il conviendrait, selon nous, de proposer des projets pilotes sur le parc immobilier de l’État, menés sous l’égide de l’Office cantonal de l’énergie (OCEN), et qui serviraient de feuille de route pour une application sur l’ensemble du parc immobilier. Le tout serait accompagné d’un agenda d’application progressive des mesures et de guides des bonnes pratiques. En effet, nombre d’études à réaliser sont mentionnées dans le document sans faire l’objet de description détaillée, ni en termes de champ d’action, ni en termes de résultat, ce qui donne l’impression de devoir accomplir des taches à la fois vagues et immenses avec le risque que la théorie soit décorrélée de la réalité et de la faisabilité technique.

Qu’il soit technique, administratif ou financier, l’accompagnement doit être selon nous la pierre angulaire de ce PDE. Le volet technique, comme indiqué plus haut, peut être soutenu via la mise en place de projets pilotes valant étude de faisabilité et visant par exemple les bâtiments les moins performants. Le volet administratif peut représenter un point de blocage lors d’une rénovation. La lourdeur et la complexité administrative, additionnées à celles des travaux, sont un frein. Une simplification des processus par l’établissement de solutions standardisées de rénovation (isolation, pompe à chaleur, solaire, ventilation) est indispensable.

L’accompagnement doit également être financier. Le faible taux de rénovation s’explique en grande partie par la rentabilité inexistante ou très restreinte après rénovation en raison des dispositions trop strictes de la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations (LDTR). Les mesures préconisées doivent impérativement tenir compte des contraintes faites aux propriétaires. Il est donc nécessaire de prévoir un aménagement simultané de la LDTR pour que les investissements consentis en faveur des économies d’énergie puissent être répercutés sur les loyers, en conformité avec les règles du Code des obligations et sans autre limitation.

Pour une réelle mise en marche de la transition énergétique, l’opération doit être économiquement neutre pour le propriétaire avec la mise à disposition de mesures très incitatives telles que des subventions et/ou une répercussion possible de l’ensemble des coûts sur le loyer. En effet, l’usager sera le premier bénéficiaire de ces investissements en obtenant un confort accru et une importante diminution de ses charges de chauffage. Le propriétaire, pour sa part, ne bénéficierait pas des économies financières liées à ces travaux; il serait par conséquent illusoire d’imaginer qu’il initie des travaux sans pouvoir les renter.

Autre élément auquel les propriétaires se heurtent dans les faits: les écarts de performance entre les objectifs énergétiques visés et ceux effectivement atteints après la rénovation. L’économie réelle est en moyenne la moitié de celle planifiée. Dans la pratique, les rénovations énergétiques n’atteignent pas toujours les résultats escomptés, ce qui est souvent dû à une information insuffisante des habitants, laquelle conduit à un mauvais usage des nouvelles installations (fonctionnement d’un système de ventilation à double flux ou les bons gestes à adopter pour éviter les déperditions d’énergie). Là encore, la mise en place de bonnes pratiques pour un accompagnement efficient des usagers est incontournable. Les objectifs du PDE visant à limiter à 19°C environ la chaleur dans les pièces à vivre devront être explicités par l’État car, pour l’heure, les locataires et les propriétaires s’y opposent.

Comme l’a souligné la CGI dans sa prise de position, l’intensification des rénovations énergétiques passera par la mise en place de mesures incitatives, la création de projets pilotes et une adaptation des lois cantonales.

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