Rénovation énergétique des PPE : les questions à se poser !

1 décembre 2023
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Avec l’expertise de Laure Meyer et Géraldine Schmidt, avocates spécialistes de la PPE, détaillons ici les réponses à quelques interrogations propres au fonctionnement des propriétés par étages (PPE) et aux problématiques liées aux rénovations énergétiques.

Les PPE, sont-elles concernées par les nouvelles obligations faites en matière énergétique ?

Oui. À Genève, les propriétaires d’immeubles de plus de 5 preneurs (5 appartements) doivent transmettre à l’office cantonal de l’énergie (OCEN) leur indice de dépense de chaleur (IDC). Ainsi, il ne fait pas de doute, qu’un très grand nombre de PPE a déjà dû transmettre leur indice de dépense de chaleur et qu’ainsi, elles savent d’ores et déjà quel est le niveau de celui-ci.

Quels sont les seuils IDC qui entraînent des obligations d’effectuer des travaux ?

À chaque seuil ses obligations :

< 450 Mj/m2/an : les immeubles qui déperdent moins de 450 Mj/m2/an n’ont pas de travaux spécifiques à réaliser et leurs propriétaires peuvent, le cas échéant, poursuivre la réalisation d’objectifs qui leur sont propres et visant à diminuer volontairement et vertueusement leur consommation énergétique.

> 450 Mj/m2/an : lorsque ce seuil est dépassé, l’audit énergétique du bâtiment doit être effectué. Il est recommandé de procéder à un audit CECB+ qui orientera le propriétaire vers les réalisations de travaux les plus efficients.

La pratique démontre que jusqu’à 550 Mj/m2/an, il serait possible de réduire l’IDC et d’atteindre la norme légale via des mesures à moindre coût. Il s’agit, essentiellement de réglage et d’équilibrage du chauffage, de sa température et de celle de l’eau chaude.

Dépassement significatif de 450 Mj/m2/an : Les immeubles dépassant significativement le seuil de 450 Mj/m2/an – notamment ceux qui déperdent, 800 Mj/m2/an ou plus – se verront notifier des décisions de l’OCEN leur intimant d’effectuer des travaux dans les 36 mois afin de se mettre en conformité. Dès le 1er janvier 2027, il en sera de même pour les immeubles déperdant plus de 650 Mj/m2/an, de sorte que les ambitions fixées par le règlement sur l’énergie sont extrêmement élevées puisque l’ensemble du parc immobilier genevois serait, ainsi, rénové énergétiquement en 2033.

Qui doit s’occuper de proposer à l’Assemblée générale des propriétaires d’étages d’effectuer un audit CECB+ du bâtiment ?

Lorsque le seuil IDC de 450 Mj/m2 est dépassé et que, les mesures de réglage de la chaufferie et d’équilibrage n’ont pas ramené l’IDC en dessous de ce seuil, il revient alors à l’administrateur de la PPE de mettre cette question à l’ordre du jour de l’Assemblée générale des propriétaires d’étages afin qu’il soit décidé d’effectuer un audit CECB+ et d’envisager les travaux y relatifs.

Quelles sont, lors de l’Assemblée générale, les majorités utiles pour réaliser les travaux énergétiques ?

De manière générale, il s’agit de distinguer trois types de travaux, selon leur nature juridique : les travaux nécessaires (1), les travaux utiles (2) et les travaux somptuaires (3).

1) Les travaux nécessaires

Ce sont les travaux exigés par la loi ou ceux qui sont nécessaires au maintien de la valeur et de l’utilité de l’immeuble.

Ainsi et dans le cas particulier des travaux énergétiques, l’ensemble des travaux indispensables pour diminuer l’IDC et atteindre un seuil maximal de 450 Mj/m2/an entrent dans cette catégorie. Une majorité simple suffit lors de l’Assemblée générale des propriétaires d’étages pour valider la mise en œuvre de ce type de travaux. À Genève, en application du règlement d’administration et d’utilisation de la PPE (RAU), édité par la CGI, cette majorité nécessite de réunir la moitié des millièmes constituant la PPE.

Il s’agit dès lors d’insister sur le fait que tous les travaux en lien avec les obligations du règlement de la loi sur l’énergie, sont soumis à cette majorité simple, y compris les travaux tendant au changement du mode de chauffage pour, dans la mesure du possible, se passer des énergies fossiles. À cet égard, il est rappelé que tout changement de chaudière ou, tout changement de pièces sur une chaudière datant de plus de 20 ans, implique l’obligation de remplacer celle-ci par une pompe à chaleur ou tout système équivalent et indépendant des énergies fossiles comme, par exemple, le chauffage à distance issu d’un réseau des SIG.

2) Les travaux utiles

Il s’agit de travaux destinés à augmenter la valeur des bâtiments, leur rendement ou leur utilité. Il pourrait s’agir en l’occurrence, de travaux permettant d’atteindre un IDC inférieur à 450 Mj/m2 qui impliquerait une décision à la double majorité, soit la moitié des millièmes de la PPE et la moitié des propriétaires présents ou représentés.

3) Les travaux somptuaires

Il s’agit des réalisations destinées à embellir un bâtiment ou à rendre son usage encore plus aisé. L’on peut ici penser à la pose d’un revêtement en pierre ornementale sur les façades, après leur isolation. Les travaux somptuaires nécessitent l’unanimité lors d’une Assemblée générale, soit le consentement de tous les propriétaires d’étages présents, représentés ou absents.

Ainsi, l’on constate que l’entrée en vigueur du règlement sur l’énergie a fait basculer des travaux importants dans la catégorie des travaux nécessaires lorsque le seuil de l’IDC de la PPE dépasse 450 Mj/m2/an et que ces travaux s’inscrivent clairement dans une relation de cause à effet avec la mise en conformité de l’immeuble.

Relever des IDC, établir le bilan énergétique du bâtiment et effectuer les travaux de rénovation : tout ceci prend beaucoup de temps et ne pourra pas se faire en un jour ?

En effet, les administrateurs doivent soumettre, dans les meilleurs délais, un processus de rénovation énergétique des bâtiments lorsqu’ils dépassent le seuil IDC. Cela implique la réalisation d’un audit CECB+, la prise de décisions relatives aux travaux à entreprendre et leur financement, le pilotage du projet visant le dépôt d’autorisations de construire, les soumissions aux entreprises et enfin la surveillance de la bonne réalisation des travaux.

L’administrateur de la PPE est-il, en général, le seul à suivre la conduite des travaux destinés à la rénovation énergétique d’un bâtiment ?

Pas vraiment. L’administrateur reçoit le mandat de l’Assemblée des copropriétaires d’effectuer les démarches utiles, ci-dessus mentionnées, à la réalisation des travaux. Il a tout intérêt à s’entourer de compétences professionnelles fortes : celles d’un ingénieur en énergie et, cas échéant, d’un architecte notamment pour le choix des isolations périphériques, les soumissions aux entreprises et le dépôt de l’autorisation de construire.

En règle générale, les administrateurs qui travaillent dans les régies immobilières membres de l’USPI Genève disposent de l’ensemble de ces ressources pour coordonner de manière optimale ces travaux.

Dans le cadre d’une PPE, comment financer les travaux de rénovation énergétique ?

Il s’agit-là d’une question épineuse pour les PPE qui devront effectuer des travaux importants. En effet, l’entrée en vigueur le 1er septembre 2022 du règlement sur l’énergie implique un changement de standard de construction très important, et ce en un temps record. Ainsi, les PPE n’ont pas pu adapter les contributions de leur fonds de rénovation pour financer les travaux issus d’un règlement en vigueur depuis un peu plus de 12 mois.

L’une des particularités de la PPE, c’est que celle-ci ne peut pas grever ses parties communes dans le but d’obtenir un crédit hypothécaire. La structure juridique de cette institution ne le permet pas au regard du fait que c’est chacun des copropriétaires qui, au travers des millièmes détenus, dispose d’une portion économique de la PPE alors que toutes ces parts mises ensemble constituent l’entier de la valeur économique du bien de sorte que celui-ci ne saurait être à nouveau grevé.

Ainsi, c’est en première ligne, le fonds de rénovation de la PPE constituée par les apports des copropriétaires qui devrait financer les travaux nécessaires tout en précisant qu’il est aussi possible de faire des appels de fonds extraordinaires.

La diminution des rejets de CO2 est une politique publique qui est soutenue et portée par l’ensemble de la collectivité, c’est pourquoi, pour des questions de proportionnalité face à des coûts très importants, les propriétaires ne devraient pas supporter seuls l’ensemble de ces investissements.

C’est la raison pour laquelle, outre le fait que plusieurs copropriétés ne pourront simplement pas financer les travaux, la Chambre genevoise immobilière a sollicité de longue date, le Conseil d’État et le Grand Conseil afin que des mesures d’accompagnement adéquates soient mises en place telles que notamment, la possibilité de faire appel à des subventions subséquentes pour financer la rénovation énergétique.

Après des tensions politiques fortes sur cette question, aussi bien le Grand Conseil que le Conseil d’État sont disposés à intégrer à la législation genevoise des subventions qui permettront de réaliser la transition énergétique dès le début 2024.

 

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