Les 3 initiatives du HEV et de la CGI

22 septembre 2019
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Comme nous vous l’indiquions dans notre numéro 143 de l’Immoscope de décembre 2017, la CGI a travaillé de concert avec le HEV Schweiz (Association suisse des propriétaires de maison, comprenant plus de 330 000 membres) sur trois initiatives parlementaires qui ont été déposées en septembre 2017. La première demande de revoir les modalités de calcul du rendement admissible, la seconde d’alléger les critères pour les loyers comparatifs et la troisième de mettre sur un pied d’égalité les deux méthodes de fixation du loyer.

Modernisation des modalités de calcul du rendement admissible en droit du bail

La première initiative prévoit une modification de l’article 269 CO. Cette disposition stipule que les loyers sont abusifs lorsqu’ils procurent au bailleur un rendement excessif ou lorsqu’ils résultent d’un prix d’achat manifestement exagéré. Le législateur n’a pas détaillé les critères permettant de déterminer le caractère excessif d’un rendement et ceux-ci ont été fixés par le Tribunal fédéral. Selon ce dernier, le rendement admissible équivaut au rendement des fonds propres investis par le bailleur au moment de l’acquisition de l’immeuble, augmenté des investissements ultérieurs ayant créé une plus-value et réévalués en fonction du renchérissement (mais pour 40 % de ces fonds seulement).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs décidé en 1986, sous le régime de l’ancien droit, que le rendement des fonds propres investis ne devait pas dépasser de plus de 0,5 % le taux moyen des hypothèques en premier rang accordées par les banques cantonales du lieu de situation de l’immeuble. A l’époque, le taux était de 5,5 %, ce qui permettait un rendement de 6 % des fonds propres !

A l’heure où le taux de référence, fixé désormais par l’Office fédéral du logement, est à 1,5 %, cette initiative demande que les fonds propres puissent être rentabilisés au taux hypothécaire de référence majoré de 2 % (au lieu + 0,5 %), ce qui permettrait d’avoir des loyers un peu plus en adéquation avec la situation économique actuelle.

Loyers usuels dans la localité ou dans le quartier. Instaurer des critères à valeur probante

Cette initiative prévoit une modification de l’article 269c CO. Son texte indique, pour vérifier si les loyers se situent bien dans les limites des loyers usuels de la localité ou du quartier (considérés ainsi comme non abusifs), que les loyers déterminants à prendre en considération sont ceux qui sont comparables quant à l’emplacement, la dimension, l’équipement, l’état et l’année de construction (il ne s’agit pas là d’une nouveauté).

Le texte précise que, pour l’année de construction, il s’agit de prendre les loyers des immeubles construits 20 ans avant ou 20 ans après l’immeuble en question, mais que pour les immeubles construits avant 1930, ils sont tous comparables. Actuellement, il convient de prendre comme loyers de comparaison ceux des immeubles construits dans la même décennie, ce qui complique énormément la tâche (et restreint d’autant les exemples de comparaison). Pour l’état et l’équipement, l’initiative prévoit de les classer dans trois catégories (simple, bon, très bon), à nouveau pour faciliter l’exercice.

Le texte demande de pouvoir prendre en considération les statistiques, suffisamment détaillées, officielles ou établies par la branche, et de ne requérir que 3 et non plus 5 éléments de comparaison.

Ces simplifications se justifient à nos yeux pleinement, dès lors qu’il est aujourd’hui quasiment impossible de démontrer l’admissibilité d’un loyer sur la base des loyers comparatifs, tant les critères sont stricts, trop détaillés et impossibles à appliquer. Cela est d’ailleurs largement admis par tous les milieux, y compris le Tribunal fédéral.

Renforcer l’équivalence des règles légales relatives aux loyers

Cette initiative demande que les critères d’examen du caractère abusif des loyers visés aux articles 269 et 269a CO soient de même rang et que si le loyer n’est pas abusif selon l’un de ces critères, il soit exclu de faire valoir le caractère abusif du loyer sur la base d’un autre critère.

Aujourd’hui, il est considéré comme tel, même si un loyer est conforme au marché, il faut encore s’assurer qu’il ne procure pas de rendement abusif au bailleur. Le but de cette initiative est de mettre sur un pied d’égalité ces deux méthodes sans que l’une prédomine.

Processus en cours

Les deux premières initiatives sont toujours en cours d’examen, alors que la troisième n’a finalement pas abouti.

Il est intéressant de relever que, dans le même temps, d’autres initiatives parlementaires visant à revoir les règles régissant les loyers ont été déposées et sont aussi en cours d’examen.

L’une d’elles vise à exiger du locataire qu’il soit dans un état de nécessité avant de pouvoir contester le loyer initial (et qu’ainsi, la seule pénurie ne suffise plus à admettre son action). D’autres prévoient qu’à défaut de situation de pénurie, le locataire n’est pas légitimé à contester son loyer initial.

Enfin, d’autres initiatives demandent d’autoriser la signature électronique sur les formulaires officiels ou de supprimer l’obligation de l’avis de confirmation d’échelon.

Toutes ces initiatives ont été bien accueillies par la Commission des affaires juridiques du Conseil national. La même commission du Conseil des Etats a quant à elle refusé une partie d’entre elles et voté une motion demandant au Conseil fédéral de revoir l’ensemble des règles régissant les loyers. Dans sa session de juin 2019, le Conseil national a refusé cette motion et a préféré soutenir ces initiatives, au motif qu’il était préférable d’apporter les modifications proposées plutôt que d’ouvrir un vaste chantier, dont les chances de succès apparaissent comme très faibles.

Nous nous réjouissons de l’évolution de ces initiatives et ne manquerons pas de vous tenir informés de la suite qui y sera donnée par le Conseil des Etats.

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Christophe Aumeunier
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