LEFI : le point avec Alexandre Faltin

8 mai 2023
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Pour mieux comprendre les enjeux de la loi 13030 soumise au vote le 18 juin prochain, nous avons posé quelques questions à Alexandre Faltin, président de la Commission fiscale de la CGI, avocat, DES en droit fiscal.

En quoi la fiscalité à Genève se distingue-t-elle des autres cantons ?

Alexandre Faltin : Chaque canton connaît des spécificités.
À Genève, pour le propriétaire immobilier, on peut relever un certain nombre de charges fiscales non négligeables:
• Les droits de mutation à l’achat y sont parmi les plus élevés de Suisse (3%);
• le calcul de la valeur locative y est parmi les plus élevés de Suisse ;
• la valeur fiscale des immeubles locatifs est estimée de manière particulièrement élevée par capitalisation de l’état locatif;
• le canton prélève un impôt foncier (l’impôt immobilier complémentaire), ce qui n’est pas le cas partout;
• le taux de l’impôt annuel sur la fortune peut y atteindre des sommets inégalés (taux maximum de 1% alors que, dans les autres cantons, le taux maximum est compris entre 0,1% et 0,8%).

Pourquoi est-il nécessaire de revoir la fiscalité des propriétaires qui occupent leur logement ?

Il y a tout d’abord la question récurrente de l’abrogation de l’imposition d’après la valeur locative. Un projet d’abrogation est à l’examen au Parlement fédéral. Il y a ensuite la Cour de Justice du canton de Genève qui a estimé que la majoration de 7% de la valeur fiscale des immeubles décidée par le Grand Conseil pour la période 2019 à 2028, lorsque ceux-ci étaient détenus depuis plus de 10 ans par leur propriétaire, était insuffisante pour combler l’inégalité de traitement entre propriétaires de longue date et propriétaires récents. Dans cette affaire, la Cour de justice a estimé que les prix des logements avaient augmenté d’environ 20% au cours des dix années précédentes et a, par voie de conséquence, invité le Grand Conseil à remédier à ce qu’elle a considéré être une inégalité de traitement.

« LES BAISSES D’IMPÔTS DE CE PROJET N’ONT RIEN D’EXAGÉRÉ AU REGARD DE LA SITUATION DANS LES AUTRES CANTONS. »
Alexandre Faltin

Enfin, il y a le taux de l’impôt sur la fortune qui reste particulièrement élevé à Genève et qui devrait donc être revu à la baisse.

Pouvez-vous nous expliquer à quoi sert l’estimation de la valeur fiscale et comment elle impacte les impôts?

La valeur fiscale est utilisée à plusieurs titres, principalement pour l’impôt sur la fortune et pour l’impôt immobilier complémentaire. Pour l’impôt sur la fortune, l’estimation du bien correspond à sa valeur fiscale, sous déduction de l’abattement. Pour l’impôt immobilier complémentaire, c’est également la valeur fiscale qui sert d’évaluation, cette fois-ci sans abattement.

Outre les mesures essentielles prévues par la LEFI du 4 novembre 2022, quelles sont les autres mesures qui vous semblent intéressantes?

Cette loi comble une importante lacune : alors qu’actuellement, seule la transmission d’un immeuble par voie successorale ou de liquidation du régime matrimonial permet d’éviter une adaptation de sa valeur fiscale, il en ira désormais de même en cas de donation. Cette mesure est importante, la législation actuelle créant sans raison un frein important à la transmission du logement aux héritiers.

Enfin, pour les immeubles à l’étranger, la loi 13030 sort du système actuel qui prend comme estimation la contrevaleur en francs suisses du bien, convertie au jour historique de son achat, ce qui est généralement très défavorable pour le contribuable. Désormais, le fisc se basera sur la valeur fiscale à l’étranger qui sera convertie en francs suisses au 31 décembre, chaque année.

Pourquoi parle-t-on de déséquilibre entre anciens et nouveaux propriétaires ?

La valeur fiscale des immeubles occupés (appartement en PPE, villa) est fixée, à Genève, en fonction du prix d’achat. Ce prix fait périodiquement l’objet de majorations, lesquelles ont été jugées insuffisantes pour les anciens propriétaires (cf. ci-dessus).

La loi 13030 prévoit des hausses et des baisses d’impôts : on peut donc parler d’une réforme équilibrée?

Les hausses d’impôt sont contenues, contrairement au projet qui avait été présenté par le Conseil d’État, refusé par le Grand Conseil, et qui prévoyait des hausses vraiment très importantes pour certains contribuables propriétaires. Les baisses d’impôts de ce projet n’ont rien d’exagéré au regard de la situation dans les autres cantons. Dans cette mesure, on peut parler d’une réforme équilibrée.

Quelles sont les points forts de cette loi ?

Si je ne devais n’en citer que 3:
• la mise sur pied d’un système qu’on espère pérenne pour l’estimation fiscale des immeubles;
• une baisse mesurée de l’impôt sur la fortune ;
• la possibilité de donner son bien immobilier à ses enfants, en pleine propriété ou en usufruit, sans coût fiscal exorbitant.

Qui dit baisse de la fiscalité peut vouloir dire baisse des recettes pour l’État ? L’État ne risque-t-il pas de manquer de recettes supplémentaires?

La baisse de 15% du taux de l’impôt sur la fortune ne signifie pas encore une baisse des recettes pour l’État. Cela va dépendre, d’une part de l’évolution de la fortune des contribuables qui suit dans une mesure importante l’évolution des placements financiers et, d’autre part, du nombre de contribuables fortunés ou avec des gros revenus, qui arriveront dans le canton ou le quitteront. Quant à la question de savoir si l’État risquera de manquer de recettes supplémentaires, je relève qu’en 2021, le canton enregistrait 1 milliard de revenus fiscaux supplémentaires par rapport au budget. Pour 2022, l’excédent comptable 2022 du canton de Genève – après affectation de 605 millions à la réserve budgétaire en lien avec la recapitalisation de la CPEG – s’élève encore à 727 millions. Au regard de ces montants, l’effet de ce projet de loi (baisse statique nette des recettes fiscales de l’ordre de 100 millions de francs) nous semble supportable, ce d’autant plus qu’il
prévoit un mécanisme d’indexation de la valeur fiscale, qui devrait réduire rapidement ces 100 millions.

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Édito

OUI à une fiscalité équilibrée et pérenne !

La propriété immobilière est l’objet de nombreuses attentions du fisc. Un impôt est dû lors de son acquisition: les droits de mutation; chaque année, plusieurs impôts sont prélevés sur sa substance: l’impôt sur la fortune et l’impôt immobilier complémentaire ;
Alexandre Faltin
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