La révision du droit des successions et l’immobilier

13 décembre 2022
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On l’évoquait depuis fort longtemps dans la presse, et maintenant nous y sommes: la révision du droit des successions prendra effet dans quelques semaines, plus précisément le 1er janvier prochain.

L’objectif de cette révision consiste à donner à tout un chacun plus de souplesse lors de la répartition de ses biens, que ce soit au sein des familles traditionnelles ou dans le contexte des familles dites recomposées. Une plus grande flexibilité devrait aussi permettre plus aisément la transmission des entreprises à la génération suivante.

L’importance de l’immobilier dans le contexte de la planification

A l’heure de penser à la transmission de son patrimoine, force est de constater que l’immobilier représente très souvent une part prépondérante du patrimoine. Lorsque le bien immobilier abrite le logement de la famille, s’ajoute alors la préoccupation de protéger les conditions de vie du conjoint survivant, en lui permettant de faire face aux attentes de ses enfants ou, plus difficilement, des enfants de son conjoint issus d’un premier mariage.

Dans la plupart des cas, la quotité disponible représentera la moitié de toute la succession

En présence de descendants, une personne disposera désormais librement de la moitié de sa succession (« quotité disponible »), l’autre moitié représentant la « part réservataire » de ses descendants. Si cette personne est mariée, la part réservataire restera d’une moitié, qui se répartira entre la réserve du conjoint (un quart) et celle des descendants (un quart). Actuellement, la quotité disponible est d’un quart (1/4) en présence d’enfants et de trois huitièmes (3/8ème) en présence d’enfants et d’un conjoint.

La nouvelle loi permettra d’avantager plus encore son conjoint en présence d’enfants communs. Ceux-ci devront accepter que leur père ou mère reçoive une part en pleine propriété de moitié, l’autre moitié leur étant transmise mais sous réserve d’un usufruit viager au profit du conjoint survivant. Actuellement, le maximum est d’un quart (1/4) en pleine propriété et de trois quarts (3/4) en usufruit pour le conjoint, les enfants recevant au minimum une part en nue-propriété de trois quarts (3/4).

Les père et mère ne bénéficieront plus d’aucune part réservataire ; une personne (mariée ou non) et sans enfants ne sera donc plus contrainte d’affecter une partie de son patrimoine à ses père et mère. Rappelons que depuis plus de 30 ans, les frères et sœurs ne sont plus réservataires. Mais, attention, si aucun testament n’est établi, le patrimoine d’une personne mariée sans enfants reviendra pour trois quarts seulement à son conjoint, le quart restant revenant, par l’effet de la loi, à ses père et mère ou à leurs descendants (frères et sœurs, neveux et nièces, etc.), et ce sans aucun égard pour la durée du mariage.

L’essentiel à retenir est que la quotité disponible représentera désormais au minimum la moitié de la succession.

Quel usage faire de cette nouvelle quotité disponible à l’heure d’établir ses dernières volontés ?

On peut imaginer plusieurs types de décisions :

  • attribuer une part minimale à l’un ou l’autre de ses héritiers pour attribuer le maximum à un autre héritier. C’est en général le conjoint survivant qui est bénéficiaire de cette attribution maximale : il pourra désormais recevoir les trois quarts de biens, les enfants recevant leur part réservataire d’un quart. Quand il n’y a pas de conjoint, le testateur cherche le plus souvent à prescrire une répartition équitable de ses biens entre tous ses enfants, même en cas de transmission d’une entreprise ;
  • anticiper la transmission du patrimoine en attribuant une partie de la quotité disponible aux petits-enfants ;
  • avantager une ou plusieurs œuvres d’utilité publique ;
  • prévoir une répartition de ses biens différée dans le temps, par étapes. En pareil cas, le patrimoine est transmis de façon égalitaire entre les enfants, mais cette transmission intervient en deux temps (alors qu’un tel mécanisme n’est pas compatible avec le principe de la réserve héréditaire). Par exemple, la part des enfants est grevée d’un droit d’usufruit viager au profit d’une tierce personne (belle-mère ou beau-père), usufruit qui ne permet pas aux enfants de bénéficier de l’usage de la propriété. Le testateur peut aussi prévoir une transmission de la propriété en deux temps (« substitution fidéicommissaire ») : le patrimoine revient dans un premier temps à une tierce personne (belle-mère ou beau-père par exemple) avant de parvenir, lors du décès du premier bénéficiaire, aux enfants du testateur. Ou encore, l’héritier direct reçoit tout de suite sa part, mais le testament prévoit qu’à son décès, un autre bénéficiaire recevra automatiquement ce même patrimoine (petits-enfants, œuvre d’utilité publique, par exemple). Ces cas de figure ne sont envisageables que sur la quotité disponible, à l’exclusion de la part réservataire.

On constate ainsi que la diminution des réserves donne plus de liberté lors de la planification à long terme de la succession.

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Les testaments établis avant le 1er janvier 2023 restent en principe valables

Toutes ces nouvelles dispositions s’appliqueront d’office aux successions ouvertes à compter du 1er janvier 2023 (la date du décès faisant foi). Les testaments établis avant cette date restent valables, mais peuvent présenter un problème d’interprétation : le testateur souhaite-t-il que l’héritier reçoive sa réserve calculée selon le droit en vigueur lors de la rédaction du testament ou entend-il imposer à son héritier les réserves encore plus restreintes de la nouvelle loi ? Il est recommandé à chacun de bien revoir la rédaction de son testament. En tous les cas, on considère qu’un héritier qui, aux termes d’un testament établi avant la date du 1er janvier 2023, se voit attribuer la plus grande part possible peut se prévaloir des dispositions du nouveau droit (par ex. : j’attribue à mon époux (-se) le maximum en pleine propriété).

Une modification légale inachevée à ce jour

L’accroissement de la quotité disponible risque bien de rester un vain mot si les cantons ne revoient pas à la baisse le taux de taxation des transmissions aux personnes non mariées (à Genève, ce taux est de 54 %, sans aucune réduction en fonction de la durée de vie commune). Un assouplissement devrait être envisagé par les cantons, sous peine de tenir en échec la révision du droit des successions.

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