Jurisprudences récentes – Septembre 2021

23 août 2021
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Me Géraldine Schmidt revient dans ce numéro sur les jurisprudences récentes.

IRRECEVABILITÉ D’UNE REQUÊTE EN ÉVACUATION POUR UN DÉFAUT DE PAIEMENT DURANT LA PANDÉMIE DE COVID-19 – ACJC/722/2021

Dans cette affaire, un contrat de bail portant sur un local commercial est conclu au mois d’avril 2008, pour un loyer mensuel de CHF 980.–, charges non comprises. Compte tenu de l’épidémie de COVID-19, il a été ordonné la fermeture de toutes les boîtes de nuit et installations assimilées. Par avis comminatoire du 11 septembre 2020, la bailleresse a mis en demeure sa locataire de lui régler dans un délai de 90 jours les arriérés de loyer pour les mois d’avril à septembre 2020 et l’a informée qu’à défaut de paiement intégral dans le délai imparti, le contrat de bail serait résilié de manière anticipée. La somme n’ayant pas été acquittée dans le délai comminatoire, le contrat de bail a été résilié par avis du 17 décembre 2020 pour le 31 janvier 2021. Les locaux n’ayant pas été restitués, la bailleresse a requis l’évacuation de la locataire par la procédure des cas clairs. À l’issue de la procédure, le Tribunal des baux et loyers a condamné la locataire à évacuer immédiatement les locaux et a autorisé la bailleresse à requérir l’évacuation par la force publique à l’entrée en force du jugement. La locataire a fait appel de ce jugement et a fait grief aux premiers juges de n’avoir pas tenu compte de l’impossibilité de la prestation, de son exorbitance et de l’imprévisibilité de la situation actuelle.

La Cour de justice considère que la question du paiement du loyer des établissements dont la fermeture a été ordonnée par les autorités cantonales et fédérales durant la pandémie n’a pas été tranchée à ce jour. Cette question doit définitivement être jugée, que ce soit sous l’angle de la réduction de loyer, de l’impossibilité subséquente, de l’exorbitance ou de la clausula rebus sic stantibus, si le loyer reste dû – totalement ou partiellement – durant cette période ou non. Il est rappelé que la doctrine diverge très largement sur cette question. Dans le cas d’espèce, le bail a été résilié pour défaut de paiement. La locataire fait valoir qu’elle a été dans l’impossibilité d’exploiter ses locaux durant les fermetures ordonnées par les autorités. La doctrine étant partagée sur les conséquences à donner à un tel défaut de paiement, les conditions de recevabilité d’une procédure en cas clair ne sont manifestement pas remplies dans la mesure où cette question est loin d’être éprouvée selon l’art. 257 CPC.

La situation juridique n’étant pas claire, c’est à tort que le Tribunal des baux et loyers a prononcé l’évacuation de la locataire. La requête est ainsi déclarée irrecevable. La cause est actuellement pendante au Tribunal fédéral.

Nous déplorons le rendu de cet arrêt, qui tranche uniquement la recevabilité du cas clair, et espérons que l’arrêt du Tribunal fédéral renversera la solution retenue par le Tribunal des baux et loyers. Nous précisons que le bailleur peut encore initier une procédure en évacuation contre son locataire par le biais d’une procédure ordinaire.

NOUVELLE JURISPRUDENCE PORTANT SUR LA CONTESTATION DE LOYER D’UN BIEN ANCIEN – ARRÊT 4A_183/2020 DU 6 MAI 2021

Un contrat de bail portant sur un appartement de 2 pièces à Zurich a été conclu pour un loyer de CHF 1’060.– par mois (+ charges). L’immeuble a été construit en 1933 et acquis par le bailleur en 1948. Le précédent loyer se montait à CHF 738.– par mois. Le locataire a contesté le loyer initial dans le délai de 30 jours prévu à cet effet. Le Tribunal des baux et loyers a déclaré le loyer abusif et l’a fixé à CHF 855.– par mois (+ charges), ce qu’a confirmé la Cour de justice. Le bailleur a saisi le Tribunal fédéral d’un recours contre cet arrêt.

Cela étant, et c’est ce qui est nouveau, le Tribunal fédéral rappelle que selon la jurisprudence déjà établie, si une augmentation massive du loyer est intervenue, il appartient au bailleur de prouver que le loyer initial n’est pas abusif. Ainsi, notre Haute Cour se penche d’abord sur la question de savoir à partir de quel moment on fait face à une augmentation massive du loyer. Elle considère qu’il faut une augmentation nettement supérieure à 10%, qui ne peut s’expliquer par l’évolution du taux d’intérêt de référence ou des prix à la consommation suisse. Dans le cas d’espèce, l’augmentation était de 44%, de sorte qu’elle doit être considérée comme massive et que la présomption d’abus s’applique.

Le Tribunal fédéral estime aussi que l’augmentation massive du loyer ne doit pas systématiquement conduire à l’admission d’une présomption selon laquelle le loyer est abusif et que le bailleur peut mettre en évidence des circonstances particulières, comme la longue durée du précédent bail, pour faire échec à cette présomption.

Ainsi, il appartiendra au juge cantonal d’apprécier les indications présentées par le bailleur en tenant compte de son expérience générale de la vie et de sa connaissance du marché local. Si le juge conclut que le propriétaire a soulevé des doutes raisonnables quant à la présomption du loyer abusif, cette présomption ne s’applique pas et il appartient au locataire de prouver le caractère abusif du loyer initial en fournissant cinq exemples comparatifs. Si, en revanche, le bailleur n’instigue pas les doutes raisonnables suffisants pour lever la présomption, il lui appartiendra de fournir les exemples comparatifs. En l’espèce, la cause est renvoyée à l’instance inférieure afin qu’elle décide si le bailleur a soulevé des doutes raisonnables quant au bien-fondé de la présomption d’abus.

Cette jurisprudence est une bonne nouvelle qui rendra la contestation du loyer initial, si elle porte sur un bien ancien, encore un peu plus compliquée.

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