Jurisprudences récentes – Décembre 2023

1 décembre 2023
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Me Géraldine Schmidt revient dans ce numéro sur les dernières jurisprudences.

RÉDUCTION DE LOYER ET CHANTIER DU CEVA

Dans l’arrêt du Tribunal fédéral du 17 août 2023 (4A_495/2022), une locataire loue un dix-pièces au 7e étage d’un immeuble genevois. Elle y habite et exploite un cabinet d’acuponcture.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à CHF 4430.– par mois, hors charges. Le chantier du CEVA a débuté en novembre 2011 et la construction de la Gare de Champel en décembre 2011. À la suite d’une demande de baisse de loyer à cause des nuisances du chantier précité, le Tribunal des baux et loyers, dans son jugement du 16 août 2016, a réduit le loyer de la locataire de 15% du 1er juin 2012 au 31 mai 2013, de 30% du 1er juin 2013 au 30 juin 2015, puis à nouveau de 15% du 1er juin 2015 au 31 mai 2016 et a réservé une réduction de loyer pour une période ultérieure.

Entre juin 2016 et la fin de l’année 2018, la locataire a subi d’importantes nuisances liées à la construction du CEVA et aux aménagements extérieurs effectués. Aussi, elle a saisi l’autorité de conciliation d’une nouvelle demande de réduction de loyer. Les CFF sont intervenus dans le cadre de cette procédure. Par jugement du 16 décembre 2021, le Tribunal des baux et loyers a réduit le loyer de la locataire de 15% pour la période du 1er juin 2016 au 15 décembre 2019 et a condamné la bailleresse à lui rembourser le trop-perçu en découlant. Sur appel, la Cour de justice genevoise a confirmé ce jugement. Un recours en matière civile au Tribunal fédéral est formé contre cet arrêt par les CFF, auquel la partie bailleresse a adhéré.

Après avoir balayé le grief d’arbitraire soulevé par la recourante, notre Haute Cour s’est penchée sur le grief allégué d’une violation de l’art. 259d CO, lequel fonde la prétention d’un locataire en réduction de loyer. Dans le cas présent, le Tribunal fédéral a rappelé qu’il était lié par l’état de fait tel que retenu par la Cour de justice, laquelle avait justement retenu l’existence de nuisances sonores importantes, constitutives d’un défaut. La réduction de loyer de 15% accordée se justifiait en équité dès lors qu’il n’était pas possible de déterminer précisément l’ampleur de chaque nuisance et la temporalité de celles-ci. Le recours a ainsi été rejeté.

Cet arrêt rappelle les principes applicables en cas de demande de baisse de loyer de la part d’un locataire à la suite de nuisances et la méthode applicable pour déterminer ladite baisse de loyer.

À QUELLES CONDITIONS PEUT-ON S’OPPOSER À UN TRANSFERT DE BAIL ?

Dans son arrêt du 29 août 2023 (4A_453/2022), le Tribunal fédéral a tranché un cas relatif au transfert d’un bail commercial. Les parties se sont liées par un contrat de bail portant sur une arcade commerciale, à Genève, depuis juillet 1986. L’échéance du bail a été fixée au 31 mars 2013 avec un renouvellement tacite de cinq ans en cinq ans. L’article 6 du contrat prévoit que « la cession du bail ne sera autorisée que pour de justes motifs et seulement si le cessionnaire exerce la même activité que le locataire, et s’il possède les capacités morales, professionnelles et financières pour assurer la marche normale de l’entreprise. Le bailleur peut exiger la production des conditions de la cession. » L’arcade est exploitée en tant que salon de coiffure.

Le 27 septembre 2019, les locataires ont formé une demande de transfert de bail en faveur d’un repreneur dès le 1er novembre 2019. La convention de remise de fonds de commerce, d’un montant de CHF 40 000.–, était jointe à leur demande. Divers documents complémentaires ont été transmis par la suite. Il en ressort notamment que le repreneur n’a pas de formation de coiffeur mais qu’il entend s’entourer des bonnes personnes pour la bonne marche du salon de coiffure.

La bailleresse a refusé ce transfert de bail le 2 novembre 2019, considérant que les chiffres avancés n’étaient pas en adéquation avec la comptabilité résultant de l’activité du fonds de commerce et qu’ainsi, le prix de CHF 40’000.– constituait un pas-de-porte. Un inventaire des installations présentes dans le salon, d’un montant de CHF 56’530.–, a été remis à la bailleresse, laquelle a maintenu son refus d’entrer en matière. Elle a allégué que le repreneur n’avait jamais exercé la profession de coiffeur et que le chiffre d’affaires envisagé n’était pas conforme à l’activité déployée jusqu’à ce jour. À la suite d’une procédure, le Tribunal des baux et loyers a autorisé le transfert de bail, jugement confirmé par la Cour de justice genevoise.

La 2e instance cantonale a en effet retenu que la bailleresse n’était pas parvenue à démontrer l’existence d’un juste motif de refus et qu’elle entendait subordonner son accord au transfert de bail à la condition qu’une augmentation de loyer soit acceptée, ce qui est contraire à la loi.

Un recours en matière civile est formé au Tribunal fédéral. Le recourant se plaint d’une violation de l’art. 263 CO. Notre Haute Cour a repris le raisonnement de la Cour de justice. En effet, concernant le montant de CHF 40’000.–, elle a considéré qu’il était en adéquation avec le bien proposé et qu’il ne concernait que le matériel présent dans le salon, de sorte que ce montant était parfaitement acceptable. Il a également été retenu que le fait que le locataire reprenant n’aie pas de formation dans la coiffure n’était pas déterminant, dès lors que la bailleresse n’avait pas, à juste titre, soutenu que cette profession aurait été soumise à l’obtention d’autorisations officielles, dont le défaut empêcherait d’exercer le métier. Au contraire, le repreneur a prouvé qu’il entendait s’entourer de personnes compétentes pour la tenue du salon, avec fibre entrepreneuriale et des connaissances professionnelles suffisantes pour l’exploitation du salon. Finalement, il a été considéré que l’article 6 du contrat ne saurait être plus strict que le régime légal applicable, qui constitue du droit impératif. Pour toutes les raisons qui précèdent, le recours a été rejeté.

Cet arrêt est très intéressant par rapport à ce qui peut être allégué ou non au titre de justes motifs par un bailleur qui souhaite s’opposer à un transfert de bail.

Pour toute question ou information, les avocates de CGI Conseils se tiennent à votre disposition par téléphone au 022 715 02 10 ou par mail à l’adresse info@cgiconseils.ch.

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