Jurisprudences récentes – Décembre 2021

23 décembre 2021
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Me Géraldine Schmidt revient dans ce numéro sur les jurisprudences récentes.

1. VALIDITÉ D’UN CONGÉ DONNÉ EN VUE D’UN PROJET DE SURÉLÉVATION DU BÂTIMENT

Dans l’arrêt rendu par la Chambre des baux et loyers genevoise le 5 août 2021, un contrat de bail est conclu pour un appartement situé dans les combles. En 2017, un architecte mandaté par les propriétaires a déposé à la Commission d’architecture un projet de surélévation de l’immeuble en vue d’une préconsultation sur la faisabilité du projet. La Commission d’architecture a confirmé que le projet respectait les gabarits légaux mais a demandé des documents complémentaires pour analyser le potentiel de surélévation des bâtiments voisins. Dès lors, le contrat de bail de la locataire a été résilié par avis officiel du 23 août 2018 pour le 31 mai 2019, motif pris du projet de surélévation. Ce congé a été contesté par la locataire. La demande d’autorisation de construire a été déposée au mois de février 2019. Elle a été refusée en mars 2019 au motif que la surélévation ne respectait pas certaines servitudes de jour. Lors des auditions, l’architecte a confirmé qu’une nouvelle demande serait déposée sous peu, un accord avec les voisins concernant les servitudes de jour étant en passe d’être trouvé. Dans son jugement, le Tribunal des baux et loyers a validé le congé et accordé à la locataire une unique prolongation de bail d’une année et sept mois échéant le 31 décembre 2020. La locataire a fait appel de ce jugement.

La Cour de justice rappelle que le congé n’est pas abusif lorsque le bailleur signifie un congé ordinaire en vue d’accomplir d’importants travaux qui limitent considérablement la possibilité d’utiliser les locaux loués. La validité d’un tel congé suppose qu’au moment où il est donné, le bailleur dispose d’un projet suffisamment mûr et élaboré pour pouvoir constater concrètement que la présence d’un locataire dans les locaux entraverait les travaux. Si le bailleur ne parvient pas à prouver cet élément, alors le congé est abusif.

En l’espèce, la Cour retient que le projet de surélévation est né en 2017. Un projet a été déposé à la Commission d’architecture qui a confirmé que le projet respectait les gabarits légaux mais a demandé des documents complémentaires pour analyser le potentiel de surélévation des bâtiments voisins. Cette commission a confirmé que le projet était faisable mais devait comporter certaines précisions quant aux servitudes de jour pour que le projet soit autorisé. Dès lors, au moment de la notification du congé, le projet était mûr et suffisamment élaboré et constituait un motif légitime et non abusif. La Cour rappelle encore que la validité du congé n’est pas subordonnée à l’obtention des autorisations administratives nécessaires, ni même au dépôt des pièces permettant de prononcer l’autorisation. La validité du congé a par conséquent été confirmée.

Concernant la prolongation du bail et dans la mesure où le projet du bailleur n’était pas encore mature, une première prolongation de bail échéant le 30 novembre 2021 a été accordée à la locataire.

Cet arrêt est intéressant dans la mesure où il rappelle les exigences légales lorsqu’un congé est donné pour d’importants travaux de rénovation nécessitant le départ du locataire.

2. DROIT DU BAIL ET COVID-19

Dans l’arrêt du Tribunal fédéral du 6 octobre 2021 (4A_252/2021), un contrat portant sur un restaurant est conclu pour un loyer mensuel de CHF 5’750.– payable par mois d’avance. Le 23 juin 2021, la bailleresse a mis les locataires en demeure de lui verser la somme de CHF 11’646.– correspondant aux loyers des mois d’avril et mai 2020 dans un délai de 90 jours et la somme de CHF 5’823.– correspondant au loyer du mois de juin 2020 dans un délai de 30 jours, faute de quoi le bail serait résilié pour défaut de paiement. Considérant que le loyer du mois de juin 2021 n’avait pas été versé dans le délai, la bailleresse a résilié le bail des locataires par avis officiel du 21 août 2021 pour le 30 septembre 2021. Les locataires n’ayant pas restitué les locaux le 30 septembre 2021, une requête en évacuation en cas clairs a été initiée à leur encontre, requête qui a été déclarée irrecevable par la dernière instance cantonale. Un recours au Tribunal fédéral est formé par la bailleresse. Est litigieuse la validité de la résiliation du bail et, en particulier, la question de savoir si les locataires se sont acquittés en temps utile du loyer de juin 2020.

Notre Haute Cour rappelle que l’ordonnance du 27 mars 2020 sur l’atténuation des effets du coronavirus en matière de bail à loyer et de bail à ferme soumet l’octroi d’un délai de paiement de 90 jours à trois conditions : le retard du locataire pour s’acquitter d’un terme ou de frais accessoires (1), l’échéance du terme ou des frais accessoires entre le 13 mars 2020 et le 31 mai 2020 (2) et les mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le COVID-19 ont causé le retard de paiement (3). C’est à l’aune de ces trois conditions qu’une requête en cas clair doit être examinée.

Dans le cas présent, il n’est pas contesté que le loyer du mois de juin 2020 était échu le 31 mai 2020 et que les locataires étaient en retard dans son paiement. Seule reste donc litigieuse la question de savoir si les locataires se sont acquittés en retard du loyer de juin 2020 « en raison des mesures prises par le Conseil fédéral pour lutter contre le coronavirus ». Cette question n’étant pas tranchée, la Cour cantonale a considéré que la requête en évacuation en cas clairs était irrecevable. Il sera toutefois intéressant de voir la solution retenue lorsqu’un cas identique sera tranché au fond.

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