Interview Fiscalité : Nathalie Fontanet « Les propriétaires immobiliers méritent une bouffée d’air fiscale »

8 avril 2022
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Traitement fiscal des dépenses à caractère écologique, baisse de l’impôt sur la fortune dans le cadre de la réévaluation du parc immobilier ou encore remise en question de l’impôt sur la valeur locative: les questions concernant la fiscalité des propriétaires immobiliers ne manquent pas. Si elles font peser certains risques, elles représentent aussi l’occasion de faire évoluer la législation et la pratique pour mieux tenir compte du contexte actuel.

Tour d’horizon des dernières avancées et des dossiers en cours avec Nathalie Fontanet, conseillère d’État en charge du département des finances et des ressources humaines.

Madame Fontanet, la fiscalité immobilière est-elle un enjeu pour votre département ?

Nathalie Fontanet (N. F.) : Oui effectivement, la fiscalité immobilière est un dossier important pour mon département. Genève compte encore trop peu de propriétaires par rapport aux autres cantons. Les transactions immobilières ont atteint un nombre sans précédent dans le canton en 2021 et généré des revenus très importants. Ceci confirme combien les biens immobiliers sont recherchés.

Par ailleurs, la stratégie énergétique soutenue par le canton a été une opportunité me permettant d’adapter la fiscalité immobilière afin d’encourager les efforts pour réduire la consommation d’énergie.

En quoi consiste cette adaptation ?

  1. F. : L’administration fiscale cantonale a revu sa pratique afin de favoriser les dépenses à caractère écologique pour les contribuables propriétaires de leur logement. Certaines dépenses visant à économiser l’énergie ne seront plus qualifiées d’investissements, mais de frais d’entretien. Ainsi, la valeur fiscale du bien immobilier ne sera pas augmentée dans ces cas, n’entraînant par conséquent aucune hausse de l’impôt sur la fortune.

Ces dépenses comprennent par exemple le remplacement d’une chaudière ancienne (mazout/gaz) par une énergie non fossile (réseau thermique, pompe à chaleur, biomasse), ou encore l’installation de cadres de fenêtres avec verre isolant double ou triple à la place du simple vitrage. La nouvelle pratique s’applique immédiatement à toutes les taxations encore en cours, quelle que soit la période fiscale concernée.

À l’occasion de cette annonce, vous avez fait référence à d’autres adaptations fiscales du même type qui devraient voir le jour prochainement. Pouvez-vous nous en dire plus ?

  1. F. : Mes services travaillent actuellement à l’élaboration d’un projet de loi visant à accorder une exonération – limitée dans le temps et appliquée selon certaines modalités – de l’impôt immobilier complémentaire pour les contribuables ayant effectué des travaux sur leur immeuble à des fins d’économie d’énergie. Cette mesure fiscale fait suite à l’adoption par le Conseil d’État du plan directeur de l’énergie 2020-2030 et au règlement qui en découlera. Le plan directeur a notamment pour but de favoriser la transition énergétique du parc bâti, par la réduction de la consommation énergétique des bâtiments en accélérant le rythme de leurs rénovations.

Le projet de loi sur lequel je travaille vise à inciter les propriétaires immobiliers à engager des travaux en vue d’une diminution de la consommation énergétique de leur bâtiment

(selon des modalités prévues dans le futur règlement sur l’énergie). Je souhaite une exonération partielle ou de courte durée en tant qu’étape intermédiaire vers des travaux plus conséquents, qui permettront eux d’atteindre un standard de haute performance énergétique (HPE) ou très haute performance énergétique (THPE). L’atteinte de ces standards élevés permet déjà d’obtenir une exonération totale de l’IIC pour une durée de 20 ans. J’estime que les propriétaires immobiliers méritent une bouffée d’air fiscale, et ces mesures y participent.

De nombreux propriétaires sont inquiets par le projet de réévaluation du parc immobilier déposé par le Conseil d’État. Où en sommes-nous ?

  1. F. : Pour rappel, le Conseil d’État a adopté en septembre 2020 un projet de loi visant à réévaluer les villas et les PPE. Il comprend des mesures d’accompagnement permettant de limiter l’impact de cette réévaluation en particulier pour les propriétaires à revenus modestes, ainsi qu’une baisse de 15% de l’impôt sur la fortune.

Après un refus d’entrée en matière de la commission fiscale, le projet leur a été renvoyé par le Grand Conseil. Il est actuellement traité en parallèle avec un projet de loi déposé par les députés PLR, dont l’impact fiscal pour les contribuables serait moindre.

Faute d’une loi adoptée par le Grand Conseil, nous serions face à un risque non négligeable qu’un règlement réévaluant les villas et les PPE à leur valeur vénale en application de la loi fédérale soit édicté par le Conseil d’État. Un tel règlement ne pourrait toutefois pas prévoir de mesure d’accompagnement. Si tel devait être le cas, je ne manquerai pas de m’y opposer avec force et détermination.

L’impôt sur la valeur locative fait actuellement l’objet de discussions à Berne, où certains parlementaires souhaiteraient l’abolir. Quelle est la position du canton de Genève à ce sujet ?

  1. F. : Le Conseil d’État soutient globalement la suppression de la valeur locative. Il s’est positionné en ce sens lors de la réponse à la consultation fédérale sur le changement de système de l’imposition du logement. Le canton de Genève se montre favorable à un nouveau système à condition qu’il soit simple et cohérent, à savoir que la valeur locative soit supprimée aussi bien pour les résidences principales que pour les résidences secondaires, que les investissements destinés à économiser l’énergie et à ménager l’environnement soient admis pour l’impôt fédéral direct comme c’est le cas pour l’impôt cantonal et communal et que les frais de démolition en vue d’une construction de remplacement soient également admis pour l’impôt fédéral direct. Enfin, les intérêts passifs doivent être admis en déduction à concurrence de 70% du rendement imposable de la fortune.

J’ai défendu cette position devant la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national. Cette dernière devrait se prononcer bientôt. En cas d’acceptation, l’impôt sur la valeur locative sera supprimé dans le canton de Genève.

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