Jurisprudences récentes – Août 2022

22 août 2022
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Me Géraldine Schmidt revient dans ce numéro sur les dernières jurisprudences.

VALIDITÉ D’UN CONGÉ AVEC EFFET IMMÉDIAT

Dans l’arrêt rendu par la Chambre des baux et loyers le 4 avril 2022 (ACJC/465/2022), un contrat de bail est conclu pour un appartement. Au mois d’avril 2018 et après des plaintes des voisins, les locataires ont été mis en demeure de mettre un terme à leur comportement perturbateur (insultes, dégradations des communs de l’immeuble) dès la réception du courrier, à défaut de quoi leur contrat de bail serait résilié. À la suite d’un épisode d’insultes et de violence envers un voisin, le bail des locataires a été résilié, une première fois, de manière extraordinaire et ordinaire. Par courriel du 14 avril 2020, la bailleresse a été informée qu’un habitant avait déposé une plainte contre sa voisine perturbatrice, laquelle était devenue, selon lui, un vrai danger dès lors qu’elle l’avait menacé de mort avec un couteau et lui avait donné un coup de poing au visage. Cet épisode a été confirmé par d’autres locataires. Le même jour, la bailleresse a été informée que la locataire avait jeté divers objets de son balcon au moment où des gens passaient. Ainsi, par avis du 22 avril 2020, la bailleresse a résilié le bail des locataires avec effet immédiat selon l’art. 257f, al. 4, CO. Elle a motivé le congé par l’agression physique avec menace de mort et le jet d’objets depuis le balcon. Par ordonnance pénale du 20 septembre 2020, la locataire a été reconnue coupable de lésions corporelles simples, d’injures, de menaces et de violation de domicile. Une requête en évacuation a été formée contre les locataires le 30 avril 2020. Dans son jugement du 5 août 2021, le Tribunal des baux et loyers a déclaré le congé immédiat efficace et a condamné les locataires à évacuer l’appartement immédiatement. Les locataires ont formé appel de ce jugement.

La Cour de justice a rappelé les principes généraux de la résiliation fondée sur l’art. 257f, al. 4, CO et indiqué notamment que la faute du locataire, ou de son auxiliaire, devait être intentionnelle et qu’elle était le plus souvent, sinon toujours, la cause d’une infraction pénale. La Cour de justice a également précisé qu’il en était de même d’une atteinte délibérée aux droits de la personnalité de voisins ou à leurs biens. Dans le cas présent, la Cour a considéré, à l’instar des premiers juges, que la locataire avait eu une altercation avec un de ses voisins, lors de laquelle ce dernier avait été insulté, menacé avec un couteau et avait reçu un coup de poing, de sorte qu’une ordonnance pénale condamnant la locataire avait été rendue. La Cour a retenu qu’à lui seul, cet évènement fondait une résiliation de bail au sens de l’art. 257f, al. 4, CO vu le degré de gravité des faits. C’est ainsi à bon droit que les premiers juges ont déclaré le congé efficace et ont condamné les locataires à évacuer leur logement.

Cet arrêt est intéressant car il rappelle les conditions d’un congé immédiat, qui est assez peu utilisé en pratique, par crainte qu’il soit déclaré inefficace.

LES NUISANCES SONORES SONT-ELLES CONSTITUTIVES D’UN DÉFAUT DE LA CHOSE LOUÉE JUSTIFIANT LA CONSIGNATION DU LOYER ?

Dans l’arrêt rendu par la Cour de justice le 14 février 2022 (ACJC/209/2022), un contrat de bail est conclu pour un appartement de 4 pièces. Durant les dix premières années de location, la locataire ne s’est jamais plainte de problèmes de voisinage. A compter de 2014, elle s’est plainte de nuisances sonores provenant de ses voisins et de leurs enfants, qui perduraient, malgré une remise à l’ordre de la régie. Après une pause de quatre ans, elle a rappelé à la bailleresse qu’elle avait fait valoir un défaut de la chose louée, soit les nuisances sonores, qu’il lui appartenait d’éliminer à brève échéance. Estimant que la bailleresse avait failli à ses obligations, la locataire a consigné son loyer dès le mois de novembre 2019. Elle a soutenu que sa voisine était extrêmement bruyante et que cette situation l’affectait particulièrement. La bailleresse estimait quant à elle les plaintes infondées. En cours de procédure, la locataire plaignante a reconnu que l’immeuble était mal isolé et que les bruits qu’elle entendait étaient ceux de tous les jours. Dans son jugement, le Tribunal des baux et loyers a débouté la locataire de ses conclusions en validation de consignation de loyer, remise en état de la chose louée et réduction de loyer.

Sur appel, la Cour de justice a rappelé la notion de défaut en lien avec le bruit et notamment qu’un locataire ne saurait s’attendre, sauf promesse spéciale, à un silence absolu. La Cour a considéré qu’il était inévitable d’entendre des bruits provenant de l’extérieur et que cela ne suffisait pas pour conclure à l’existence d’un défaut. Un défaut pouvait cependant être admis lorsque le bruit, compte tenu de sa durée et de son intensité, dépassait un certain seuil et entravait l’usage normal de la chose, par exemple en perturbant le sommeil. Il fallait également tenir compte du lieu de situation, du degré de vétusté et de la qualité de l’aménagement de l’immeuble.

Dans le cas présent, la Cour a considéré que l’appelante n’était pas parvenue à démontrer que les bruits provenant de l’appartement des voisins excédaient les limites admissibles au point de constituer un défaut de la chose louée. Le manque de cohérence des déclarations de la plaignante a également été soulevé. Ainsi, il a été retenu que les bruits constituaient des désagréments inévitables inhérents à la vie en communauté, qui ne dépassaient pas ce qui était admissible, de sorte qu’ils n’ont pas été qualifiés de défauts. La locataire a donc été déboutée de ses conclusions et le jugement du Tribunal des baux et loyers a été confirmé.

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