Jurisprudences récentes – mars 2018

20 mars 2018
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Erreur sur la surface louée – droit du locataire de demander une baisse de loyer ?
Capacité à contester le congé et à agir en paiement d’une personne non-titulaire du bail

1 ERREUR SUR LA SURFACE LOUÉE – DROIT DU LOCATAIRE DE DEMANDER UNE BAISSE DE LOYER ?

Dans le cas traité par le Tribunal fédéral dans un arrêt du 8 décembre 2017 (arrêt du Tribunal fédéral 4A_249/2017), un contrat de bail est conclu entre deux parties portant sur un appartement de 3,5 pièces dans le canton de Vaud, d’une surface d’environ 125 m². La locataire a procédé à la résiliation de son contrat de bail à loyer le 2 avril 2015. La régie chargée de la relocation de l’appartement a publié une annonce indiquant que la surface dudit appartement était de 104 m², soit 17 % en moins. La locataire a introduit une requête de conciliation visant à obtenir le paiement, par le bailleur, de la différence de loyer correspondant à la différence de 17 %.

Aucun accord n’ayant été trouvé entre les parties, la cause a été introduite par-devant le Tribunal des baux, qui a rejeté la demande, en considérant que la différence de 21 m² était une erreur objectivement essentielle, mais non subjectivement essentielle dans la mesure où la locataire n’a pas démontré qu’elle n’aurait pas conclu le contrat de bail si elle avait su que l’appartement mesurait 104 m² et non pas 125 m².

Statuant en appel, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois a considéré que le métrage de l’appartement constituait une erreur objectivement et subjectivement essentielle et a condamné le bailleur à payer à la locataire la différence de loyer découlant de l’indication erronée des mètres carrés de l’appartement.

Le bailleur a formé recours au Tribunal fédéral contre cet arrêt en contestant le fait que la locataire se trouvait dans une erreur essentielle durant le contrat de bail. Le Tribunal fédéral a rappelé que « pour que l’erreur soit essentielle au sens de la loi, il faut tout d’abord qu’elle porte sur un fait subjectivement essentiel : en se plaçant du point de vue de la partie qui était dans l’erreur, il faut que l’on puisse admettre que subjectivement son erreur l’a effectivement déterminée à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues. Il faut ensuite qu’il soit justifié de considérer le fait sur lequel porte l’erreur comme objectivement un élément essentiel du contrat : il faut que le cocontractant puisse se rendre compte, de bonne foi, que l’erreur de la victime porte sur un fait qui était objectivement de nature à la déterminer à conclure le contrat ou à le conclure aux conditions convenues. »

Subjectivement, la surface de l’appartement doit dès lors avoir exercé une influence décisive sur la décision du locataire de conclure le contrat de bail aux conditions proposées par le bailleur. Il convient de distinguer si le bail porte sur un local commercial ou sur un logement. En effet, dans le premier cas, le loyer est très souvent fixé en fonction des mètres carrés du local commercial offert en location. Tel n’est en revanche pas le cas pour les appartements, où la mention des mètres carrés sur le bail n’a qu’une fonction indicative pour déterminer les loyers usuels du quartier, aux côtés de l’emplacement, des aménagements, de l’année de construction ou de l’équipement. La surface n’a ainsi pas une influence décisive si des circonstances particulières démontrent que l’indication erronée n’avait pas un caractère essentiel pour le locataire.

Dans le cas présent, la locataire ne s’est jamais plainte de la surface de l’appartement durant les dix ans du bail et elle a déclaré à plusieurs reprises que l’appartement lui plaisait. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que l’indication erronée de la surface de l’appartement n’avait pas eu une influence décisive sur la volonté de la locataire de conclure le contrat aux conditions proposées par le bailleur.

Il ressort de la procédure que la surface avait de l’importance pour la locataire mais que c’était la situation de l’appartement ainsi que son caractère atypique qui avait poussé la locataire à signer le bail. Rien n’indique que la locataire aurait refusé de signer le contrat si elle avait su que l’appartement mesurait 104 m². Le Tribunal a ainsi considéré que la locataire n’était pas sous l’emprise d’une erreur essentielle et a rejeté sa demande.

2 CAPACITÉ À CONTESTER LE CONGÉ ET À AGIR EN PAIEMENT D’UNE PERSONNE NON-TITULAIRE DU BAIL

Dans le cas traité par la Cour de justice genevoise, dans un arrêt Le Tribunal des baux et loyers a déclaré irrecevable la requête
du 20 novembre 2017, (ACJC/1476/2017), un contrat de bail est conclu portant sur une arcade commerciale. Le bailleur a toujours traité avec la même personne lors des négociations, de la signature du contrat, et lors de litiges intervenus ultérieurement à la signature du bail. Dans le courant de l’année 2015, le fils du locataire a initié des travaux de transformation de l’arcade, sans autorisation du bailleur, ce dernier ayant manifesté son opposition au changement d’affectation. Le bailleur a mis en demeure le locataire de mettre un terme à ces travaux, ainsi qu’au changement d’affectation, faute de quoi son contrat de bail serait résilié en application de l’art. 257f, al.3, CO.

Cette mise en demeure n’ayant pas été suivie d’effet, le contrat de bail du locataire a été résilié par avis officiel de résiliation du bail du 7 septembre 2015 pour le 31 octobre 2015. Une résiliation pour l’échéance a également été notifiée le même jour au locataire. Les congés ont été contestés par le fils du locataire (qui porte le même nom que son père), qui a conclu à ce que les congés soient déclarés nuls puisqu’en réalité, c’était lui qui était titulaire du contrat de bail et non son père. Une demande en paiement a également été déposée contre le bailleur pour des travaux. Lors de la procédure, le fils du locataire a reconnu que c’était son père (le locataire selon le bailleur) qui avait toujours été l’interlocuteur du bailleur et qui avait notamment négocié le bail. Le Tribunal des baux et loyers a déclaré irrecevable la requête en contestation de congé formée par le fils dans la mesure où elle portait sur des congés qui ne lui avaient pas été adressés et l’a débouté de ses conclusions en paiement. N’étant pas titulaire du bail, le fils du locataire ne disposait pas de la légitimation active pour agir en paiement contre le bailleur.

Un appel ayant été formé, la Cour de justice genevoise a rappelé que « seule est légitimée comme partie au procès celle qui est personnellement titulaire d’un droit ou contre laquelle personnellement un droit est exercé». Seul le locataire peut agir en contestation du congé qui lui a été notifié.

Au vu de ce qui précède, le bailleur a conclu un contrat de bail avec le père et le fils ne possède dès lors pas la légitimation active pour contester le congé ou agir en paiement contre le bailleur.

Dans le cas présent, la Cour de justice a considéré que le bailleur n’a eu de contact qu’avec le locataire (père de l’appelant) et qu’il n’a jamais été informé de la possibilité que le contrat de bail soit conclu par le père pour son fils. Au demeurant, père et fils ayant le même nom, il était tout simplement impossible pour le bailleur de deviner que le contrat était signé pour un tiers. Au vu de ce qui précède, le bailleur a conclu un contrat de bail avec le père et le fils ne possède dès lors pas la légitimation active pour contester le congé ou agir en paiement contre le bailleur.

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