Airbnb et droit immobilier : les règles à connaître pour éviter les dérives
Les plateformes de location en ligne sont un fléau pour certains, une aubaine pour d’autres. Quelle est la règlementation légale et quels sont les moyens à la disposition des propriétaires qui souhaitent se prémunir contre cette pratique de la part de leurs locataires ?
Sur le plan administratif
À la suite de l’explosion du phénomène mondial Airbnb, le canton de Genève a introduit, en 2018 un article 4A au règlement d’application de la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (RDTR), afin de réglementer la pratique de la mise en location de logements via une plateforme de location.
La location d’un logement via une plateforme de location est licite, pour autant qu’elle n’excède pas 90 jours par année. Au-delà, la location est considérée comme un changement d’affectation. Or, les changements d’affectation sont strictement réglementés par la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation (LDTR). En effet, en cas de changement d’affectation, les surfaces de logements supprimées doivent être compensées par la réaffectation simultanée de surfaces commerciales ou administratives en logement, dans les environs directs. Le Tribunal fédéral a eu l’occasion de confirmer que la durée de 90 jours de location maximum par année constitue une atteinte raisonnable aux intérêts des propriétaires, en mettant en balance la garantie de la propriété privée avec l’intérêt public poursuivi par la LDTR, à savoir la préservation du parc locatif.
Tout contrevenant à cette règlementation s’expose notamment à une amende administrative, laquelle peut s’élever de CHF 100.– à CHF 150’000.–, le département demeurant libre de fixer le montant dans cette fourchette, en fonction des circonstances.
Sur le plan du droit de bail
La mise à disposition d’un logement par le locataire, qu’elle soit partielle ou totale, par le biais d’une plateforme de location est considérée comme une sous-location. Or, bien que non interdite par la loi, la sous-location est soumise à l’accord du bailleur. Le locataire qui souhaite sous-louer tout ou partie de son logement devra donc requérir l’accord de son bailleur, en lui transmettant au préalable l’entier des conditions de la sous-location. En effet, le bailleur doit pouvoir vérifier que les conditions de la sous-location ne sont pas abusives. Dans le cas contraire, il pourra légitimement s’opposer à une telle pratique. Le locataire qui entend sous-louer son appartement devra en sus respecter les prescriptions administratives en la matière et, donc, s’en tenir à la durée de location maximum de 90 jours par année.
Le locataire qui procède à la location de son logement via une plateforme de location sans avoir requis l’accord du bailleur s’expose à une résiliation anticipée de son bail. Le bailleur devra préalablement lui impartir un délai minimum de 30 jours pour mettre fin à la sous-location non autori-sée et réintégrer le logement. Si la sous-location persiste après le délai imparti, le bailleur pourra prétendre à une résiliation du bail. Dans un tel cas et pour autant que la sous-location ait été faite à des conditions abusives, le bailleur peut même prétendre à la restitution du profit abusif perçu par le locataire, en raison de son immixtion dans les affaires patrimoniales du bailleur.
Sur le plan du droit de la PPE
Dans le cadre d’une propriété par étage, chaque copropriétaire dispose d’un droit exclusif sur une partie privée qu’il peut aménager librement. Les parties communes sont quant à elles partagées et gérées collectivement par tous les copropriétaires, qui participent également financièrement à leur entretien. À ce titre, il apparaît légitime que certains propriétaires s’opposent à ce que des inconnus de passage puissent bénéficier des parties communes, surtout lorsque celles-ci prévoient des espaces de détente tel qu’une piscine intérieure. Les va-et-vient répétés et le comportement de certains touristes peuvent causer des nuisances, tant sonores que sécuritaires, pour les copropriétaires. Pour toutes ces raisons, certaines PPE ajoutent à leur règlement d’administration et d’utilisation des articles visant à interdire, ou à tout le moins à réglementer, ces pratiques. Une telle restriction est-elle admissible ?
Notre Haute Cour répond prudemment que oui, pour autant que les circonstances le justifient. Dans une affaire jugée en 2019, le Tribunal fédéral a considéré que le règlement d’une PPE du canton de Nidwald pouvait interdire la location d’appartements de manière irrégulière, à la journée, à la semaine ou au mois. Il précise toutefois que, dans ce cas précis, l’interdiction de la location via une plateforme visait à éviter de transformer la PPE en un hôtel de luxe et que ce motif poursuivait un objectif parfaitement admissible. En effet, la configuration de la PPE était particulière, puisqu’elle était considérée comme une résidence de haut standing comprenant des grands appartements, une piscine, une grande terrasse, un sauna et un fitness.
Ainsi, l’existence d’une telle disposition dans un règlement de PPE interdit non seulement au propriétaire de louer son propre appartement via une plateforme de location, mais constitue également un motif justifiant de refuser la demande d’un locataire quant à la sous-location de son logement via une telle plateforme.
La location d’un logement via une plateforme de location est licite, pour autant qu’elle n’excède pas 90 jours par année.
Il n’est pas exclu qu’une décision différente soit retenue par les tribunaux en fonction des circonstances de chaque cas, puisque le Tribunal fédéral a bien pris la peine de préciser que les circonstances particulières tenant au caractère luxueux de la PPE avaient motivé sa décision.