Jurisprudences récentes – Avril 2025
Me Géraldine Schmidt revient dans ce numéro sur les dernières jurisprudences.
VALIDITÉ D’UN CONGÉ DONNÉ POUR VENDRE LE BIEN LIBRE DE TOUT OCCUPANT
Dans l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 3 décembre 2024 (arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2024), un locataire a pris à bail un appartement d’une pièce, pour un loyer mensuel de CHF 665.-, montant auquel il convient d’ajouter CHF 125.- de charges mensuelles. Le locataire utilise cet appartement comme appartement de vacances. Un changement de propriétaire intervient fin 2021. Au printemps 2022, la bailleresse demande au locataire s’il souhaite acheter cet appartement. Ce dernier est informé à l’été 2022 que l’appartement a été mis en vente. Aussi, son contrat de bail est résilié par avis de résiliation du 8 février 2023 pour le 31 mai 2023 au motif d’une « rénovation de l’appartement avant une vente ultérieure ». Le locataire conteste le congé et demande une prolongation de bail de 4 ans. Tant le Tribunal civil que la 2e instance cantonale ont considéré que le congé était valable et ont rejeté la demande de prolongation de bail formée par le locataire. Ce dernier a saisi le Tribunal fédéral.
Le Tribunal fédéral a commencé par rappeler les principes applicables dans le cas d’une résiliation pour travaux d’assainissement et notamment l’obligation pour le bailleur de disposer d’un projet suffisamment mûr et élaboré, ce qui fait défaut dans le cas d’espèce. Ce point n’a toutefois pas d’incidence sur la validité du congé puisque les autorités cantonales, tout comme notre Haute Cour, sont parvenues à la conclusion que l’intention de la bailleresse était en premier lieu de vendre l’appartement puisqu’une rénovation n’était pas envisageable tant qu’il était occupé. La bailleresse avait déjà vendu deux autres appartements dans l’immeuble (un assaini, l’autre pas), de sorte qu’il convenait de retenir que sa volonté première était la vente et non la rénovation.
Le Tribunal fédéral a ensuite rappelé qu’une résiliation pour motifs économiques concernait deux cas : le premier est la résiliation donnée par le bailleur pour optimiser le rendement de son bien et la seconde est la résiliation donnée en vue d’en tirer un meilleur profit lors de la vente, laquelle se distingue d’un congé-vente pour lequel l’achat est uniquement proposé au locataire. Ce congé est abusif uniquement si le bailleur veut inciter le locataire à acheter.
Notre Haute Cour a considéré que le raisonnement de l’autorité précédente ne prêtait pas le flanc à la critique en considérant que la vente sans bail était plus simple lorsqu’il s’agissait d’un seul appartement, lequel serait probablement vendu à quelqu’un qui voudrait l’habiter lui-même. Elle rappelle en outre que des résiliations données en vue d’en tirer un meilleur profit lors de la vente ont été validées dans de nombreux arrêts et que la résiliation litigieuse s’inscrivait dans ces cas. L’arrêt souligne également que le locataire utilise cet appartement uniquement comme appartement de vacances, que l’achat lui a été proposé bien avant la mise en vente et que la bailleresse avait acquis plusieurs appartements dans l’immeuble, avant de les revendre. Le congé n’était dès lors pas abusif. Le recours du locataire a par conséquent été rejeté.
TRAVAUX À PLUS-VALUE EFFECTUÉS PAR LE LOCATAIRE ET INTERPRÉTATION DU CONTRAT
Dans l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 29 novembre 2024 (4A_555/2023), les parties sont liées par un contrat de bail portant sur un appartement de 8 pièces, à compter du 1er mars 2008. Aux termes des clauses particulières du contrat, il était convenu que l’appartement serait loué en l’état, que tous travaux financés par le locataire faisaient partie intégrante de l’appartement de sorte que le locataire ne pouvait exiger une reprise financière ou une indemnité pour la plus-value apportée, ni du nouveau locataire ni du bailleur. Enfin, le contrat prévoyait encore que le locataire ne pouvait prétendre à aucune indemnité en fin de bail pour les travaux à plus-value réalisés à ses frais et avec le consentement écrit du bailleur. Début 2008, la locataire, avec l’accord de la bailleresse, a effectué des travaux pour plus de CHF 950 000.-. Une procédure a opposé les parties dans laquelle la locataire réclamait notamment une indemnité de CHF 600’000.- pour les travaux effectués. En cours de procédure, la bailleresse a proposé un montant de CHF 150 000.- pour mettre un terme au litige. Le Tribunal des baux et loyers a rejeté cette demande d’indemnité en lien avec les travaux à plus-value effectués. Ce jugement a été confirmé par la Chambre des baux et loyers. Le locataire a saisi le Tribunal fédéral contre cet arrêt.
Le Tribunal fédéral rappelle en premier lieu les principes relatifs à l’indemnité que peut demander un locataire lorsqu’il a effectué des travaux présentant une plus-value considérable et que la disposition légale topique est de droit dispositif, le locataire pouvant renoncer par contrat à une telle indemnisation.
Le Tribunal fédéral fait sien le raisonnement des juridictions cantonales genevoises, lesquelles ont considéré que les parties avaient eu la réelle et commune intention d’exclure une indemnisation pour les travaux à plus-value entrepris par le locataire, ce qui était clairement indiqué dans diverses clauses du contrat, qui avaient été paraphées par les parties. Rien ne permettait de prouver que le locataire ne s’était pas rendu compte de la portée des clauses qu’il signait. En procédant à une interprétation du contrat complète, il n’était pas possible d’arriver à une autre conclusion. Le fait que la bailleresse ait proposé une indemnité d’un montant de CHF 150 000.- en cours de procédure n’y changeait rien. Sa volonté au début du contrat était d’exclure le principe même d’une indemnité. Par conséquent, le recours a été rejeté.