Le Petit-Saconnex : un magnifique balcon avec vue sur le Petit Lac et le Salève

1 novembre 2017
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Alors que son grand frère le Grand-Saconnex a conservé son statut de commune, le Petit-Saconnex a été rattaché à la Servette pour former un quartier de la Ville de Genève. Dans l’esprit des Genevois, toutefois, ces deux territoires présentent un caractère très différent. L’urbanisation est bien moins intense au Petit-Saconnex, qui a gardé les traces de son cœur historique.

En prenant la direction des crêtes du Jura depuis la gare Cornavin, on tombe inéluctablement sur un vaste poumon de verdure, reste des grandes campagnes qui caractérisaient autrefois le Petit-Saconnex. Malgré les pressions toujours plus fortes de l’explosion démographique, l’ancienne commune a gardé quelques traces de son passé agricole et de ses maisons patriciennes cossues.

Le cœur historique du Petit-Saconnex englobe deux vieux cafés pleins de charme, le temple protestant et l’ancienne mairie, qui lui est accolée et dont l’entresol servait à l’époque de cachot, ce qui se remarque aux barreaux ornant les minuscules fenêtres qui donnent sur le haut de la rue Moillebeau. En vue de sauvegarder l’âme du bourg, une association de quartier a lancé un référendum qui a abouti. Son texte s’oppose à une décision du Conseil municipal de la Ville de Genève visant à modifier les limites de zone de périmètre touchant la place du village.

 

Bref retour en arrière

Les chartes historiques évoquent la localité Saconaya parvus dès le XIIe siècle. Souvent, le nom de famille était intimement lié à celui d’un lieu-dit jadis. Ainsi, le nom de Saconnex serait dérivé de Saconnay, famille qui y possédait des terres aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Avant la Réforme, la région située sur les terres du Petit-Saconnex appartenait au décanat d’Aubonne, qui séparait le diocèse de Lausanne de celui de Genève. Ses habitants bénéficiaient des mêmes anciennes libertés et prérogatives que celles de la Ville de Genève. Les liens entre Genève et le Petit-Saconnex ne datent donc pas d’hier, même si ce n’est qu’en 1931 que la seconde a été intégrée dans la première, après la votation sur la loi de fusion administrative de 1930.

Le Petit-Saconnex a été constitué en commune en 1798, alors que son territoire appartenait à la France. Il englobait alors les hameaux du Bouchet, de Saint-Jean, de la Forêt, de Morillon, de la Servette, de Varembé, de Châtelaine, de Beaulieu et de Sécheron, ce qui représentait une superficie de 612 hectares et en faisait la plus importante entité de l’agglomération urbaine genevoise. Cette région représentait une vaste surface étendue constituée de parcs et de terres dédiées à l’agriculture et au maraîchage fort utiles pour nourrir la population citadine.

 

Un formidable élan démographique

Villa Dutoit, Genève
La villa Dutoit

Au fil des ans, de riches et célèbres habitants de Genève commencèrent à ériger des demeures de style patricien dans les grandes campagnes entourant le cœur du village du Petit-Saconnex, à l’image du domaine de Budé, qui perpétue aujourd’hui encore la tradition de la culture maraîchère aux portes de la ville. Le théologien Jean-Alphonse Turrettini, membre d’une grande famille d’origine italienne qui marqua l’histoire de la cité, fit construire cette maison de maître dans les années 1723 à 1724. Celle dénommée La Pastorale a été bâtie aux environs de 1836 par M.-F. Broillet. Elle abrite aujourd’hui les bureaux du Club Suisse de la presse ainsi que de la Fondation des immeubles pour les organisations internationales.

La villa Dutoit constitue le témoin des belles bâtisses qui émaillent le tissu urbanistique du quartier. Cette maison accueille des concerts et des expositions d’œuvres d’art divers et variés et permet à des associations de musiciens d’y tenir des auditions. Elle expose essentiellement des œuvres d’artistes renommés de la région, tout en s’ouvrant à d’autres courants artistiques. En été, la maison accueille des centres aérés pour les enfants du quartier.

Aujourd’hui, toute une pépinière de grands ensembles d’habitation a fleuri sur les anciennes terres agricoles et sur les parcelles abritant de modestes villas construites dans le quartier depuis le début du siècle. En parallèle, plusieurs ensembles scolaires y ont été érigés, démontrant le dynamisme du quartier. En plus de son temple et de son église catholique relativement récente, le Petit-Saconnex possède la mosquée la plus grande de Suisse, signe de sa multiculturalité et de l’omniprésence des grandes organisations internationales.

 

La ferme de Budé, une extraordinaire expérience collective

L’exploitation agricole et maraîchère qui résiste au cœur du Petit-Saconnex appartenait auparavant à la famille de Budé. Les bâtiments de la ferme situés à l’arrière de la maison de maître du domaine datent du début du XIIIe siècle. La poussée urbaine a entraîné un rétrécissement important de la surface exploitée par les fermiers successifs, qui est passée de 35 hectares à seulement 5000 m2 aujourd’hui. C’est sur cette surface que Sacha Riondel, Léo Zulauf et Julien Chavaz ont pris en location l’exploitation, en 2009, succédant à la famille Marti.

La ferme de Budé, Suisse RomandeÀ l’exception du premier qui a suivi une formation dans ce domaine, aucun des trois repreneurs n’est issu du milieu agricole. Cela leur a permis de jeter un regard différent sur ce métier, en ayant une meilleure corrélation avec le tissu citadin. Ils ont développé l’activité de vente des produits de leurs cultures, d’abord axée sur les fruits et légumes, avant d’étendre leur assortiment à la viande et aux produits d’épicerie.

« Nous misons sur les produits locaux, les cultures bio et ceux qui ne sont pas cultivés sous serres chauffées », nous explique Martin Riondel, l’un des coresponsables de cette aventure collective.

agriculture genève
Martin Riondel et Marie Brault

« Nous avons lancé cette année un projet participatif qui a permis de récolter 88 000 francs et nous a donné les moyens de redécouvrir le micromaraichage. Cela nous libère des contraintes des grosses machines qui défoncent le sol. La culture s’effectue sur butte et la pose de vastes bâches sur le sol, après les récoltes, évite la pousse des mauvaises herbes sans devoir recourir au fastidieux désherbage manuel ».

Avec ce financement, l’équipe a pu installer un système d’arrosage automatisé qui facilite ce travail jusqu’ici réalisé à la main. « En moyenne, sur tout le marché, nos prix sont entre 10 et 20 % plus élevés que dans les grandes surfaces, mais ne sont pas plus chers que les produits bio ou « fine food » que l’on y trouve », rétorque Martin Riondel à ceux qui leur avancent cet argument. Les fermiers de Budé cultivent aussi des cardons argentés, légumes emblématiques du canton.

Cette approche favorise les circuits de distribution courts. Les produits sont cueillis le matin à la première heure et sur les étals du marché dès 8 heures. De plus, l’école à la ferme accueille près d’un millier d’écoliers par année pour leur faire découvrir cette activité. Actuellement, l’exploitation emploie une vingtaine de travailleurs, représentant onze emplois à plein temps.

 

Frédéric Ducret,  une passion pour le métier de pâtissier

Après avoir entrepris un apprentissage de pâtissier à Genève de 1979 à 1982, alors qu’il aurait préféré apprendre le métier de cuisinier, Frédéric Ducret a repris le magasin de son maître d’apprentissage voici 19 ans, signant ainsi son retour aux commandes de la pâtisserie située à la rue Hoffmann. Deux ans après avoir racheté celle-ci, il ouvrait un laboratoire à quelques pas de là pour faire face à l’accroissement des ventes de son magasin, phénomène dû au fruit de son engagement dans son métier et de son souci de la perfection et de la qualité de sa production.

L’arcade de Frédéric Ducret, à la limite avec le quartier de la Servette, reste une pâtisserie ancrée localement. « Nous ne pouvons pas appliquer une gamme de prix comparable à celle des pâtisseries du centre-ville, même si la qualité de nos produits est équivalente », relève Frédéric Ducret. Sa petite entreprise emploie actuellement 17 personnes pour la fabrication et la vente de ses produits. Il a aussi ouvert un point de vente aux Halles de Rive.

La chocolaterie représente le quart de son chiffre d’affaires et la pâtisserie, près de la moitié, le reste étant assuré par les activités de traiteur qu’il a lancées voici quelques années.

Sa passion l’a amené à rencontrer des planteurs de cacaotiers au Ghana pour comprendre les rudiments de la fabrication et de la chaîne de production du chocolat depuis leur plantage. Il a pu suivre de près leur travail et en a appris tous les secrets. Aujourd’hui, il utilise surtout des arômes venant d’Amérique centrale, du Brésil, de Madagascar, d’Equateur, du Venezuela et de Saint-Domingue. Il propose des produits issus de mélanges ou des cacaos purs d’origine. « Même en utilisant des plants identiques, s’ils poussent sur des sols différents, cela leur confère des goûts très reconnaissables », note Frédéric Ducret.

 

Le Café du Soleil, restaurant emblématique du quartier

L’établissement qui a pignon sur rue sur la place du Petit-Saconnex, en face du temple et juste à côté de son voisin Le Café du commerce, existe depuis déjà 400 ans. C’est Adriano Dupraz qui en assure la direction depuis le décès subit de son père Gérard à la fin de l’année dernière. L’ambiance qui y règne illustre bien le passé qui est inscrit dans ses gènes et elle se retrouve dans les plats qui y sont proposés.

Sa fondue fait la renommée de l’établissement, mais le cuisinier Lionel Jammes, au fourneau depuis plus de 20 ans, propose aussi des malakoffs et des plats de la cuisine traditionnelle. La carte des spécialités comporte en outre le steak de bœuf grillé et, comme dessert, des meringues à la double crème de Gruyère. Quant au chef, il suggère des crevettes géantes au taboulé de quinoa, le tartare de thon, la daurade de Méditerranée, la poêlée de gaspacho andalou ou encore le poulet braisé de Perly.

Adriano Dupraz entend bien perpétuer la tradition et préserver le caractère de son établissement, avec son mobilier typique et sa terrasse abritée par un majestueux tilleul.

Le café du soleil, petit-saconnexRien ne risque de changer fondamentalement, car le lieu est inscrit au répertoire des bâtiments classés au patrimoine genevois. Un fait illustre bien le plaisir que le personnel a à évoluer dans les lieux : la plupart des employés sont fidèles à l’établissement depuis 20 à 30 ans.

Adriano Dupraz est né et a passé toute sa jeunesse au cœur du Petit-Saconnex. Il trouve que l’ambiance du quartier est agréable, les gens se connaissent bien et se tutoient. Il s’agit d’un quartier à taille humaine et ses habitants se battent pour qu’il le demeure. Le Café du Soleil reste un bistrot de quartier. Il est fréquenté par de nombreux habitués, certains y sont présents tous les midis. Même les grands hôtels de la place n’hésitent pas à le recommander à leurs clients. « Ma fierté est surtout que les clients soient contents », conclut modestement Adriano Dupraz.

 

Patrick Gueniat, la force de l’artisanat traditionnel

Cela fait 47 ans que Patrick Gueniat rénove des carrelages pour les logements abritant des particuliers, une voie qu’il a suivie depuis la fin de son apprentissage. Il apprécie de rencontrer des gens issus de tous les milieux. « Ils me demandent des conseils, ce que je leur donne volontiers », indique le chef de l’entreprise PG Carrelage. L’inconvénient est qu’il ne sait pas à l’avance quel sera son emploi du temps dans les semaines qui suivent. Mais son expérience lui permet de s’adapter facilement à cette contrainte. Ce travail est varié : dans les petites interventions, il faut savoir se montrer polyvalent et effectuer un peu de maçonnerie et de peinture pour finaliser un chantier.

Patrick Gueniat regrette que son métier soit peu protégé. N’importe qui peut s’improviser carreleur. La qualité en pâtit, et la réputation de la profession aussi. « On devrait exiger un certificat de capacité pour s’installer à son compte », s’insurge-t-il. « Pour être un bon carreleur, il faut au moins 10 ans de métier. »

Quand il s’est lancé dans la profession, c’était le règne des petits carreaux. Vint ensuite la couleur ‑ d’abord le beige, puis des teintes pastel ‑ suivie des mosaïques. Depuis quelques années, la mode est aux carreaux de très grandes dimensions, pouvant aller jusqu’à 60 par 90 cm, et aux teintes grises et foncées. « Il arrive pourtant que de grands carreaux bon marché ne soient pas toujours parfaitement plats, ce qui engendre des différences au niveau des joints et s’avère dangereux », souligne Patrick Guéniat. Un excellent conseil de pro.

 

Photos de Magali Girardin

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