En finir avec l’opacité dans les attributions de terrains publics
L’État, les communes et les entités de droit public peuvent être amenés à céder des droits réels sur des immeubles qui leur appartiennent. Mais aujourd’hui, en l’absence de cadre procédural spécifique, ces opérations ne sont pas tenues au respect de règles suffisantes et uniformes garantissant l’égalité de traitement des candidats. Un projet de loi entend combler cette lacune structurelle.
Garantir l’équité dans la gestion des biens publics, tout en favorisant une concurrence saine entre acteurs publics et privés : tel est le double objectif du projet de loi (PL) 13659 «Pour une transparence dans les attributions de terrains publics», déposé au Grand Conseil genevois par notre présidente Diane Barbier-Mueller, le 28 mai 2025.
L’enjeu est de taille. Il s’agit, par exemple, de savoir qui pourra acquérir un terrain public ou qui sera bénéficiaire d’un droit de superficie sur celui-ci. Convenons qu’en 2025, cela mérite une concurrence ouverte et transparente avec des règles d’attributions claires.
Déficit juridique et décisions opaques
Ce texte répond à un angle mort juridique. Depuis 1994, les acquisitions de biens mobiliers et de services par une collectivité publique doivent en effet suivre des procédures garantissant transparence, égalité de traitement et protection juridictionnelle en Suisse. Or, les opérations d’acquisition et d’aliénation de biens immobiliers ou de cession de droits sur de tels biens, conduites par des collectivités publiques, ne sont pas encore soumises à ces règles. Elles échappent ainsi à tout mécanisme de publicité, de mise en concurrence ou de contrôle externe. Résultat : des décisions parfois opaques, prises sans critères explicites, ni comparaison d’offres, ni consultation des parties.
Garantir l’équité dans la gestion des biens publics, tout en favorisant une concurrence saine entre acteurs publics et privés.
Pire encore, l’absence de cadre juridique précis peut «conduire à des pratiques inéquitables, des conflits d’intérêts, voire des situations de monopole», écrivent les cosignataires du texte. De quoi soulever de lourdes questions de gouvernance et de transparence, voire engendrer un déficit de confiance à l’égard des institutions publiques.
Un champ d’application détaillé
Comment combler cette lacune ? Le PL 13659 propose un cadre clair et des procédures d’adjudication détaillées, à même de garantir la sécurité juridique et le respect effectif des droits fondamentaux. Le texte encadre et réglemente la cession de droits réels sur des immeubles appartenant au canton, aux communes genevoises ou aux «entités assujetties à la loi», à savoir les divers établissements de droit public (tels que TPG, aéroport, HUG, SIG, etc.), les fondations immobilières et les autres fondations de droit public.
Sont également inclus dans le champ d’application de la loi les entreprises publiques accomplissant des tâches cantonales ou communales, les organismes de droit privé subventionnés substantiellement par des fonds publics et les organisations communes, quelle que soit leur forme juridique, composées d’entités assujetties à la loi. Impossible, donc, de procéder à un tour de passe-passe comme la création d’une structure ad hoc pour éviter de devoir respecter la loi.
Mieux cadrer la mise en concurrence
Articulé autour de six notions de base (voir l’encadré en bas), le PL 13659 propose un cadre rigoureux pour l’organisation des procédures de mise en concurrence. Les appels d’offres devront désormais se conformer à des principes stricts d’impartialité, de transparence et d’égalité de traitement garantissant l’intégrité des opérations et la «valorisation optimale du patrimoine immobilier de l’État, au bénéfice des finances publiques et de la collectivité», soulignent ses cosignataires.
Autre retombée, le renforcement de la confiance des citoyens et des acteurs économiques dans les institutions publiques. Cela serait inestimable dans un canton où nombre de collectivités et d’entités sont très actives dans le domaine immobilier et où de nombreux acteurs évoluent dans un contexte de forte demande et sur un marché tendu. La balle est désormais dans le camp du Grand Conseil.
TROIS QUESTIONS À DIANE BARBIER-MUELLER, PRÉSIDENTE DE LA CGI
À quels problèmes répond le projet de loi que vous avez cosigné ?
Les critères d’attribution de terrains publics sont obscurs. Nous avons l’impression que le secteur privé est diabolisé et que le professionnalisme de ses acteurs est mal considéré. Dans un canton où les terrains sont rares, certains sont attribués de manière opaque, sans mise au concours, parfois même avec amateurisme. Cela nuit à la qualité et à la pertinence des projets réalisés. C’est illogique et regrettable.
En somme, vous demandez les mêmes règles pour tous ?
Oui. Avec une mise au concours, on a une vision mieux définie en amont et en aval, de meilleurs projets, répondant mieux aux besoins de la population. Des critères détaillés et des objectifs clairs, cela stimule l’innovation et la créativité des professionnels. On se creuse les méninges, on considère tous les paramètres, toutes les contraintes et on trouve des solutions que l’on n’obtiendrait pas sans mise en concurrence. En général, je suis tenante du «moins il y a de lois, mieux c’est», mais sur ce point précis, le besoin d’un cadre procédural est criant. C’est le seul moyen de garantir la transparence et l’équité.
La confiance des Genevois envers les institutions publiques est-elle vraiment si mal en point ?
Il y a une méfiance de la population envers l’État, devenu une grosse machine et qui a connu son lot de scandales, mais aussi envers les acteurs privés. Les Genevois ont besoin de transparence dans la remise de terrains publics. Je pense que ce PL répond aux attentes de la société en demandant un cadre clair, bénéfique pour tous. Il faut combler la lacune existante, qui est absurde.
Principes de base des procédures
• Transparence constante
• Non-discrimination et égalité de traitement
• Concurrence saine et efficace
• Confidentialité des informations
• Récusation en cas de conflit d’intérêts
• Garanties de protection juridique



















