Jurisprudences récentes – Juin 2025

30 juin 2025
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Me Géraldine Schmidt revient dans ce numéro sur les dernières jurisprudences.

La prise à bail d’un nouvel appartement en raison de défaut de la chose louée met-elle un terme à la réduction de loyer ?

Dans l’arrêt rendu par le Tribunal fédéral le 20 février 2025 (arrêt du Tribunal fédéral 4A_425/2024), les locataires ont pris à bail, le 1er septembre 2014, un appartement de 2.5 pièces, pour un loyer mensuel de CHF 1’200.–, charges en sus. À compter du mois de juillet 2020, le locataire s’est plaint auprès de la bailleresse d’émanations quotidiennes de fumée de tabac dans son appartement en produisant divers relevés qui faisaient état de pics de mesure à divers moments de la journée et un relevé de capteurs de nicotine, lesquels relèvent une faible présence de nicotine équivalant à une consommation passive de moins d’une cigarette par jour. Il attribuait l’origine des nuisances à son nouveau voisin du dessous. Le locataire a mis en demeure la bailleresse d’intervenir, sous la menace de la consignation de son loyer, laquelle a été faite dès le 26 janvier 2021. Deux mandataires sont intervenus dans l’appartement pour effectuer des travaux de remise en état et malgré ceux-ci le taux de nicotine présent dans l’appartement n’a pas diminué. Le 19 mai 2021, les locataires ont pris à bail un appartement dans un autre immeuble sans intention de réintégrer leur appartement initial. L’état des lieux de sortie s’est tenu le 2 mars 2022.

Les locataires ont ouvert une procédure contre leur bailleresse visant à valider la consignation de loyer opérée et à obtenir, notamment, une réduction de loyer de 50% du 16 juillet 2020 au 15 janvier 2021 et de 100% du 16 janvier 2021 au 2 mars 2022. Le Tribunal des baux et loyers genevois a accordé une réduction de loyer de 15% du 16 juillet 2020 au 15 septembre 2021 en raison de la présence de nicotine, de particules fines et d’odeurs de cigarettes constitutives d’un défaut de la chose louée et ordonné la libération des loyers consignés pour le surplus. Ce jugement a été confirmé par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice. Les locataires ont saisi le Tribunal fédéral contre cet arrêt.

Concernant la durée de la réduction de loyer, notre Haute Cour rappelle qu’elle commence à la connaissance du défaut par le bailleur et se termine à l’élimination dudit défaut. Lors d’une résiliation, laquelle entraîne l’extinction du droit d’user de la chose, ainsi que l’obligation correspondante de payer les loyers futurs, la fin des rapports contractuels met également un terme à la durée de la réduction du loyer.

Dans le cas présent, le Tribunal fédéral a considéré que c’était à tort que les locataires n’avaient plus eu droit à une réduction de loyer à partir de la conclusion du bail portant sur leur nouvel appartement, étant rappelé que le bail portant sur l’appartement litigieux n’avait pas pris fin à ce moment-là et qu’ils restaient redevables du paiement du loyer de leur ancien appartement. Le fait que les locataires n’aient pas démontré la raison pour laquelle ils ont maintenu le bail de l’appartement litigieux alors qu’ils n’avaient plus la volonté de l’occuper est sans pertinence, la bailleresse ne pouvant en déduire que les locataires avaient renoncé à leurs prétentions ou que les loyers consignés ne seraient pas réduits.

Le Tribunal fédéral a donc retenu qu’en l’absence d’élimination du défaut pendant la durée du bail, le droit des locataires à la réduction du loyer s’est éteint en même temps que les rapports contractuels, le 2 mai 2022, et non le 15 septembre 2021, comme établi par la Cour cantonale. Le recours a par conséquent été admis sur ce point et le loyer des locataires réduit de 15% du 16 juillet 2020 au 2 mars 2022, le solde de la consignation revenant à la bailleresse.

 

Résiliation anticipée fondée sur l’art. 257f al. 3 CO : quelques exemples de jurisprudences récentes

L’art. 257f al. 3 CO permet au bailleur de résilier le contrat de bail avec effet immédiat si le locataire persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d’égards envers les voisins. Cette résiliation suppose la réalisation de cinq conditions cumulatives : une violation du devoir de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit préalable du bailleur, la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et le respect d’un préavis de trente jours pour la fin d’un mois.

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral a retenu que la violation du devoir de diligence incombant au locataire devait atteindre une certaine gravité mais n’avait pas besoin d’être de son fait dans la mesure où le manquement pouvait être imputable à ses auxiliaires (les personnes avec lesquelles il vit, ses visites, ses employés ou ses sous-locataires). L’excès de bruit et l’irrespect des règles d’utilisation des parties communes constituent, en cas de réitération malgré avertissement, un motif de résiliation fondé sur l’art. 257f al. 3 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4A_284/2024 du 17 décembre 2024).

En cas de sous-location non autorisée, le Tribunal fédéral a rappelé qu’une résiliation anticipée pouvait se justifier dans deux cas : le premier est celui du bailleur qui refuse de donner son consentement pour l’une des conditions de l’art. 262 al. 2 CO (refus du locataire de communiquer les conditions de la sous-location, conditions de la sous-location abusive, sous-location lui causant des inconvénients majeurs) et le second est celui du locataire qui ne demande pas le consentement du bailleur alors que ce dernier aurait pu valablement le refuser pour l’un des motifs précités. Le Tribunal fédéral rappelle que dès que l’un des motifs de l’art. 262 al. 2 CO est réalisé, la condition du caractère insupportable du maintien du bail pour le bailleur est réalisée et qu’une résiliation anticipée est donc justifiée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2025 du 10 mars 2025).

 

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Édito

Editorial - Juin 2025

Dans une société où devenir propriétaire relève de plus en plus du parcours du combattant – foncier rare, prix en hausse, réglementation toujours plus dense – il est essentiel de rappeler que la propriété est un droit garanti par la Constitution fédérale. Ce droit est pourtant mis sous pression. La votation du 18 mai dernier, qui voulait imposer l’installation de panneaux photovoltaïques à tous les propriétaires, et la révision de la loi sur l’énergie en 2023, qui impose une réduction rapide de l’indice de déperdition de chaleur (IDC à 450 MJ/m²/an), en témoignent.
Diane Barbier-Mueller
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