Jurisprudences récentes – juin 2019

21 juin 2019
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Me Géraldine Schmidt revient sur les jurisprudences récentes.

Changement de jurisprudence – compétence de la juridiction des baux et loyers à raison de la matière pour traiter des litiges entre bailleurs et sous-locataires – ACJC/646/2019

Dans son arrêt du 6 mai dernier, la Cour de justice a opéré un important changement de jurisprudence. En effet, dans cette affaire, un bailleur a saisi le Tribunal des baux et loyers d’une requête visant à faire condamner son sous-locataire au paiement d’arriérés de loyers et d’indemnités pour occupation illicite. Le Tribunal des baux et loyers s’est déclaré incompétent à raison de la matière pour connaître cette affaire, et a donc déclaré la demande irrecevable, vu le défaut de contrat de bail liant directement les parties à la procédure. Le bailleur a fait appel de cette décision par-devant la Cour de justice.

L’arrêt rendu par la Cour se penche sur l’interprétation de l’article 89 LOJ, qui prévoit que le Tribunal des baux et loyers est compétent pour connaître des litiges relatifs au contrat de bail à loyer et au contrat de bail à ferme portant sur une chose immobilière, ainsi que de l’article précédemment en vigueur. Il examine aussi toutes les jurisprudences traitant de cette question, tant au Tribunal fédéral qu’à la Cour de Justice, ainsi que les travaux préparatoires et la doctrine. S’agissant de cette dernière, la grande majorité des auteurs préconisent la compétence de la juridiction des baux et loyers pour ce type de litiges.

Après avoir procédé aux différentes interprétations possibles de la loi, la Cour de Justice conclut que « le Tribunal des baux et loyers est compétent à raison de la matière pour statuer sur tout litige relatif aux baux et loyers opposant un bailleur principal à un sous-locataire (restitution des locaux, évacuation, exécution de l’évacuation, demande en paiement d’une indemnité pour occupation illicite, etc.) ».

Elle précise toutefois que « cette compétence ne concernera cependant que les rapports entre un bailleur principal et un sous-locataire, à l’exclusion d’un squatteur, d’un occupant non titulaire d’un contrat de bail de sous-location ou d’un occupant à titre gratuit titulaire d’un contrat de prêt à usage, cas où la compétence de la juridiction ordinaire demeure (art. 86 LOJ) ».

Il s’agit d’une excellente nouvelle, dans la mesure où cela simplifiera la tâche des bailleurs et leur évitera les frais judiciaires d’une procédure devant le Tribunal de première instance.

 

Disproportion des intérêts en présence

Dans le cas traité par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 8 avril 2019 (4A_485/2018), un bailleur est propriétaire d’une villa comprenant deux appartements, l’un de cinq pièces et l’autre de sept pièces. L’appartement de cinq pièces était inoccupé depuis quelques années. L’appartement de sept pièces est loué à une famille depuis 1997. Un des conjoints est décédé en 2000. L’autre conjoint, gravement handicapé à la suite d’un accident, a continué à occuper l’appartement. L’assurance-invalidité a financé d’importants travaux d’adaptation de l’appartement.

Le propriétaire de la villa a souhaité vendre son bien. Il a ainsi résilié le contrat de bail du locataire par avis officiel de résiliation du bail du 25 novembre 2015 pour le 31 mars 2016. Le locataire a contesté ce congé, lequel a été annulé par le Tribunal des baux et loyers. Ce jugement a été confirmé, sur appel, par la Cour de justice.

Le bailleur a agi par la voie du recours en matière civile par-devant le Tribunal fédéral. Ce dernier a analysé la validité du congé donné sous l’angle de la bonne foi. Le Tribunal fédéral a rappelé que le bailleur pouvait légitimement vouloir vendre son immeuble et le vendre dans les meilleures conditions. Il s’ensuit que le congé signifié dans le but de favoriser une vente n’est en principe pas abusif lorsque la présence d’un locataire est effectivement de nature à rendre une vente plus difficile.

Cela étant, dans le cas présent, le bailleur a allégué vouloir vendre la villa dans le but de n’avoir plus à s’occuper de sa gestion, et avoir résilié le bail du locataire dans le but de parvenir à un prix de vente plus élevé. La Cour de justice a retenu la volonté du bailleur de vendre la villa. Elle exclut en revanche que la résiliation du bail soit motivée par le but de parvenir à un prix plus élevé, dans la mesure où le bailleur a reçu une offre d’achat et où le potentiel acquéreur s’est dit prêt à cohabiter avec le locataire le temps nécessaire. La Cour de justice a ainsi considéré que le bailleur ne voulait simplement plus exercer certaines tâches liées à sa qualité de propriétaire et a constaté une disproportion des intérêts en présence dès lors que la perte de l’appartement pour le locataire aurait des conséquences pénibles compte tenu de son âge, de ses problèmes de santé, de son handicap et du fait que le logement était adapté à ses besoins. La Cour de justice a ainsi annulé le congé.

Dans son arrêt, la Cour de justice n’a pas constaté que le déménagement du locataire et la libération de son appartement permettraient au bailleur de vendre la villa à un prix plus élevé. La Cour a constaté que la vente serait possible aussi sans résilier le contrat de bail ; elle n’a pas examiné l’incidence de ce bail sur le prix de vente. Aussi, le Tribunal fédéral a considéré que la résiliation du bail ne paraissait pas objectivement nécessaire à la réalisation du projet de vente entrepris par le bailleur. La Cour de justice n’a ainsi pas abusé de son pouvoir d’appréciation en considérant que le congé était abusif par suite d’une disproportion grossière des intérêts en présence. Le Tribunal fédéral a donc rejeté le recours.

Il convient de relever que le bailleur a allégué en cours de procédure ne plus vouloir s’occuper de la gestion de la maison tout en résiliant le bail du locataire dans le but de vendre à un meilleur prix. Sans cette contradiction relative au motif du congé, le résultat de cette affaire aurait pu être différent et le congé aurait certainement été validé par la juridiction des baux et loyers.

Il convient de relever que le bailleur a allégué en cours de procédure ne plus vouloir s’occuper de la gestion de la maison tout en résiliant le bail du locataire dans le but de vendre à un meilleur prix. Sans cette contradiction relative au motif du congé, le résultat de cette affaire aurait pu être différent et le congé aurait certainement été validé par la juridiction des baux et loyers.

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