Biens immobiliers dans une succession : fondement du droit des successions

22 février 2019
6 083 vues
7 minutes de lecture

Après un décès, il n’est pas rare que les biens immobiliers représentent une grosse part de l’héritage. Il est fréquent que des problèmes surgissent dans la gestion et la répartition de la succession. Une planification réfléchie peut permettre d’éviter certaines difficultés. Nous vous proposons une série d’articles qui clarifient les questions survenant dans le cadre de successions comprenant des biens immobiliers.

Biens immobiliers dans la succession

La succession désigne l’ensemble des valeurs patrimoniales actives et passives laissées par le défunt au moment de son décès. En principe, aucune règle particulière ne s’applique pour les biens immobiliers. Ceux-ci font partie de la succession du défunt au même titre que toutes les autres valeurs patrimoniales, à leur valeur vénale au moment du décès.

Cependant, dans les faits, les biens immobiliers présentent souvent une importance particulière qui les distingue du reste des valeurs patrimoniales : d’une part, les émotions jouent souvent un rôle majeur, spécialement lorsqu’il s’agit d’une propriété habitée par la famille. D’autre part, les immeubles sont souvent de grande valeur mais ne sont pas aussi faciles à répartir que de l’argent ou un compte de dépôt-valeurs par exemple. Par conséquent, ils peuvent aisément devenir un problème dans la succession, dans la mesure où plusieurs héritiers sont concernés.

La communauté des héritiers, pierre d’achoppement

S’il y a plus d’un héritier, la loi prévoit la constitution d’une communauté d’héritiers juste après le décès. Cette communauté acquiert la propriété commune de l’héritage avec l’ensemble des actifs et des passifs, et répond solidairement des dettes du défunt. En particulier, il est fréquent que le passif (par exemple les hypothèques) soit sous-estimé. C’est pourquoi il vaut la peine de commencer par se forger posément une vision d’ensemble de la valeur effective de l’héritage et de faire appel à un expert ou de requérir le bénéfice d’inventaire en cas de doutes. Dans certaines situations rares, la succession peut se révéler insolvable, auquel cas une répudiation doit être envisagée.

En raison de la propriété commune à l’ensemble de la communauté d’héritiers, cette dernière ne peut intervenir sur les biens de la succession que de manière conjointe et unanime. Cette règle peut représenter un obstacle dans le cas d’un bien immobilier, par exemple lorsque des travaux d’entretien sont nécessaires ou qu’il faut augmenter l’hypothèque. Dans ces circonstances, une solution consiste à confier la gestion à l’un des héritiers ou à un conseiller externe et à lui accorder la capacité d’agir correspondante.

La communauté des héritiers n’est dissoute qu’avec le partage, soit par la conclusion consensuelle d’un acte de partage, soit par le biais d’une action judiciaire introduite par l’un des héritiers. Si une action est initiée concernant le partage successoral, le tribunal doit se prononcer sur la répartition, et il peut arriver que cela entraîne la vente aux enchères forcée du bien immobilier. Les prix de vente étant généralement plus bas lors d’une vente aux enchères que dans une vente traditionnelle, il convient dans la mesure du possible d’éviter les enchères forcées.

Différentes formes d’héritiers et de dispositions

Cependant, une communauté héréditaire n’est pas forcément confrontée à des problèmes, en particulier lorsque les héritiers sont peu nombreux. Le partage peut avoir lieu plusieurs années après la succession.

Dans ce contexte, la composition de la communauté d’héritiers peut jouer un rôle déterminant. Outre les héritiers légaux (enfants ou parents, conjoint, partenaire enregistré), le testateur peut choisir d’instituer des héritiers testamentaires (par exemple un partenaire non enregistré) dans la limite de la quotité disponible, au moyen d’un testament ou d’un pacte successoral. Les héritiers légaux et testamentaires forment ensemble la communauté des héritiers. En vertu de la loi, les héritiers légaux disposent d’une part réservataire qui leur est dévolue. Ils peuvent, à leur tour, léguer leur part de l’héritage. Le disposant peut ensuite répartir à son gré la quotité disponible, autrement dit, la part restante après déduction de la réserve. S’il n’y a pas d’héritier légal, le testateur peut disposer librement de l’intégralité de son patrimoine. En plus de la part transmise aux héritiers, l’auteur de la succession peut encore attribuer des legs (par exemple des dons d’un montant précis à des organisations caritatives, des objets précieux ou des effets personnels), mais les bénéficiaires de legs ne font pas partie de la communauté des héritiers.

Le testament doit impérativement respecter les réserves des héritiers légaux ; dans le cas des pactes successoraux, des exceptions sont possibles. Ce principe est primordial en ce qui concerne les biens-fonds. Comme les biens immobiliers peuvent prendre beaucoup de valeur au fil du temps, il existe souvent un risque de violation involontaire des réserves héréditaires. Par conséquent, il est recommandé de contrôler régulièrement la conformité légale des dispositions successorales.

Tenir compte de l’impôt sur les successions

Un point important souvent trop peu considéré est l’éventualité de charges fiscales. A ce stade, il est important de rappeler que les héritiers en ligne directe ne sont pas visés par un impôt sur les successions, toutefois si les héritiers sont des tiers par rapport au défunt, l’impôt sur les successions peut se monter à 54,6 % de la somme reçue.

Par ailleurs, et quel que soit le degré de parenté de l’héritier, le bien immobilier sera évalué dans sa déclaration fiscale à la valeur qui a été indiquée dans la déclaration de succession. Cette valeur correspond à une valeur de marché qui peut être bien différente de la valeur sur laquelle le défunt était imposé. Il existe néanmoins à Genève une disposition qui permet au défunt qui faisait ménage commun avec le défunt de bénéficier d’une suspension de l’adaptation de la valeur fiscale.

Cette suspension est valable jusqu’à la fin d’une période décennale qui prend fin, pour la prochaine, au 31 décembre 2024. Passée cette date, la valeur qui était suspendue dans le cadre d’une succession sera modifiée et portée à hauteur de la valeur indiquée dans la déclaration de succession. En fonction de ce qui précède, il est donc important de bien évaluer le bien immobilier dans la déclaration de succession, car cette valeur va servir de base à l’évaluation dudit bien pour l’impôt sur la fortune et l’impôt foncier, que ce soit immédiatement ou dans quelques années.

La communauté des héritiers

  • se compose des héritiers légaux (enfants ou parents, conjoint, partenaire enregistré) et des héritiers testamentaires
  • répond solidairement des dettes du défunt
  • acquiert la propriété commune de la succession et ne peut prendre de décisions à ce sujet que de manière unanime
« »

Vous aimerez aussi :

Édito

Edito - Février 2019

En matière immobilière, bien des choses sont décidées dans notre canton, comme par exemple l’aménagement du territoire et les différentes zones, le droit de la construction ou encore la fiscalité cantonale. Mais ces normes, pour la plupart, reposent sur des bases fédérales ou doivent respecter des principes fixés par la Confédération. D’autres sujets sont réglés exclusivement par le droit fédéral, tels le droit du bail, le droit des contrats (entreprise, architecte, courtage), la poursuite et la faillite, le droit foncier et les droits réels, notamment le droit régissant la PPE.
Anne Hiltpold
3 minutes de lecture