Jurisprudences récentes – décembre 2018

14 décembre 2018
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Me Anne Hiltpold revient en quelques lignes sur les jurisprudences récentes.

1)    Requête en fixation judiciaire du loyer – Prescription de l’action en restitution du trop-perçu

La question de savoir s’il est toujours possible de demander la fixation judiciaire de son loyer pour cause d’informalité dans l’avis de fixation du loyer alors que le contrat de bail a été conclu il y a plus de dix ans a été longuement débattue en doctrine.

La Cour de Justice a rendu un arrêt le 3 septembre dernier à cet égard (ACJC/1170/2018), selon lequel une telle action en répétition de l’indu serait prescrite.

La Cour de Justice a établi que lorsqu’une telle requête est déposée, il s’agit d’un cumul de deux actions :

  • une action en constatation de la nullité du loyer et en fixation de celui-ci ;
  • une action en restitution du trop-perçu de loyer selon les règles de l’enrichissement illégitime.

La première action ne connaît aucune prescription, tandis que la seconde est régie par l’article 67 al.1 du Code des obligations, qui prévoit ce qui suit : « L’action pour cause d’enrichissement illégitime se prescrit par un an à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance de son droit de répétition, et, dans tous les cas, par dix ans dès la naissance de ce droit ».

La question était donc de savoir quand intervenait la naissance du droit : au début du contrat de bail ou au paiement de chaque loyer.

La Cour de Justice a tranché en faveur de la première solution. Elle a ainsi estimé qu’ « il convient de considérer la prétention en répétition de l’indu de l’appelante comme une prétention unique et non comme une succession de prétentions périodiques. Il y a ainsi lieu d’appliquer le délai de prescription absolu de 10 ans à l’ensemble de la prétention en enrichissement illégitime. »

En l’espèce, le contrat de bail avait été conclu le 12 avril 2005 et aucun avis de fixation du loyer initial n’avait été remis à la locataire. Celle-ci a finalement déposé son action en fixation judiciaire du loyer et en restitution du trop-perçu le 22 avril 2016. La Cour de justice a donc déclaré son action en restitution du trop-perçu prescrite. Il en découle que la locataire n’avait plus d’intérêt à agir en fixation judiciaire du loyer.

Aucun recours n’a été formé par-devant le Tribunal fédéral à l’encontre de cet arrêt, de sorte qu’il est définitif.

 

2)    Punaises de lit

Dans un arrêt du 11 octobre 2018 (4A_395/2017), le Tribunal fédéral s’est positionné en matière de punaises de lit suite à un recours de la part d’une bailleresse contre un arrêt de la Cour de justice.

Cet arrêt considérait qu’une réduction de loyer de 100% devait être octroyée aux locataires entre le premier traitement et la disparition totale des punaises de lit puisqu’il s’agissait d’un défaut grave de la chose louée (en tenant aussi compte du fait que les locataires avaient deux fillettes de trois ans qui auraient pu avoir des irritations en touchant les produits de désinfestation), et que les frais de congélation des effets personnels des locataires devaient être mis à la charge de la bailleresse en application de l’article 259b CO (la congélation étant, selon la Cour, un moyen nécessaire pour faire disparaître les punaises).

C’est sur ces deux points principalement que la bailleresse a saisi le Tribunal fédéral.

Pour ce qui est de la réduction du loyer, le Tribunal fédéral a confirmé l’arrêt de la Cour de Justice. Il a en effet estimé qu’il s’agissait de fixer la réduction de loyer selon les règles de l’équité dans la mesure où le défaut s’est prolongé sur une longue période au cours de laquelle l’appartement a été infesté dans sa quasi-totalité. Par ailleurs, l’appartement a été désinfesté à trois reprises, à chaque fois au moyen de produits chimiques, soit des substances qui devaient rester sur place durant 30 jours sans être nettoyées, étant encore précisé que les locataires avaient deux enfants en bas âge. Les locataires avaient quitté l’appartement pendant toute la période considérée et en avaient retiré certaines de leurs affaires qui avaient fait l’objet de la congélation (notamment les matelas). Enfin, ils avaient dû subir un grand nombre de piqûres, ce qui constitue une atteinte à l’intégrité physique (même si l’on sait que ces piqûres ne véhiculent pas de maladies), voire psychique. Le Tribunal fédéral a donc considéré que la Cour de Justice n’avait pas abusé de son pouvoir d’appréciation en octroyant une réduction de 100% du loyer.

Il faut toutefois préciser qu’il s’agit d’une analyse au cas par cas, et que l’on ne peut donc inférer de cet arrêt que la présence de punaises de lit conduirait systématiquement à une telle réduction de loyer. La réduction devrait en effet être moindre si la présence des punaises était circonscrite à une partie du logement, si l’infestation durait moins longtemps ou s’il n’y avait pas d’enfants en bas âge dans l’appartement.

La solution est plus favorable en ce qui concerne les frais de congélation. En effet, sur ce point le Tribunal fédéral a donné raison à la bailleresse dans la mesure où il a estimé que la congélation n’intervenait pas dans le but d’éliminer le défaut comme l’avait admis la Cour, mais qu’au contraire, l’infestation des objets était la conséquence et non la cause du défaut, de sorte que la congélation des effets personnels du locataire devait être considérée comme relevant de l’article 259e CO. Il s’agit donc d’un dommage du locataire qui ne doit être pris en charge par le bailleur que s’il a commis une faute.

La cause a donc été renvoyée à l’instance inférieure afin qu’elle détermine si la bailleresse a commis une faute ou si au contraire, elle a pris toutes les précautions pour éviter le dommage ou y remédier (ce qui serait le cas dès l’instant où elle aurait pris toutes les mesures utiles).

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